Les intemporels

Éric-Emmanuel Schmitt
La Nuit de Valognes
Magnard
150 pages, 5 €
9782210754713
Par une nuit orageuse, quatre femmes que tout oppose se retrouvent dans le château de la duchesse de Vaubricourt. Don Juan, qui les a bafouées autrefois, sera jugé et devra réparer ses torts en épousant Angélique, filleule de la duchesse. À la surprise générale, il accepte car le mythique séducteur n’est plus. E-E Schmitt nous présente une réécriture contemporaine et plus philosophique où se retrouve tant la poésie de l’auteur que son humour. Très agréable à lire mais l’approche psychanalytique du personnage peut gêner.
Morgane Masquelier

Youosas Baltouchis
La Saga de Yousa
traduit du russe et du lituanien par Denise Yoccoz-Neugnot
384 pages, 6,90 €
9782266116916
Suite à une déception amoureuse, Yousa, paysan lituanien, s’installe sur une terre isolée dont il a hérité au décès de ses parents. Déjà solitaire et taciturne il décide de tourner le dos au monde, mais celui-ci aux heures noires de l’Histoire frappe à sa porte. « Toujours des mots ! […] Quand on n’est pas bien dans sa peau, on n’est bien nulle part. » Un texte qui se savoure, lentement au rythme des saisons et de la nature et non selon la cadence imposée par les troubles politiques du pays.
Marie-Hélène

Varlam Chalamov
Récits de la Kolyma
traduit du russe par Sophie Benech, Catherine Fournier, Luba Jurgenson
Verdier, « Slovo »
1515 pages, 9782864323524, 45 €
Dans les parties les plus septentrionales de l’URSS, la Kolyma couvrait un vaste territoire servant à l’exploitation de gisements aurifères. Ce sont des fragments de dix-sept années (peut-on dire de vie ?) passées dans ces camps du Goulag qui sont relatées ici. Récits de la survivance de ces prisonniers de droit commun, détenus politique souvent dénoncés, injustement condamnés, très certainement exploités. Tout devient matière à écriture, chaque élément s’articule pour expliquer l’expérience du vide, une forme de déchéance de l’homme ; nous sommes dans la problématique de la chose et de l’être. Chalamov s’y est consacré, après sa détention, surmontant par un jeu de doubles, l’« expérience intégralement négative de la première à la dernière heure ». Cette édition, première version intégrale française, respecte l’ordonnancement des récits voulu par l’auteur, sans chronologie et en respectant son propre travail de mémoire.
Marie-Hélène

Gabriel Chevallier
La Peur
Le Livre de poche
408 pages, 6,95 €
9782253127819
Ce texte écrit en 1930, controversé et censuré, est ressorti des placards en 2006 grâce aux éditions Le Dilettante. Plus qu’un témoignage romancé sur la Grande Guerre, ce texte, d’une crudité désarmante, est une réflexion viscérale et mature sur l’absurdité de la guerre, la désinformation. L’indicible ici n’est pas tant l’aspect inhumain de la guerre (tueries, combats), mais l’humain : la rage, la peur qui colle au ventre et que le narrateur ose avouer, clamer à la face du monde. Les mots sont ceux de la nausée, du dégoût.
Marie-Hélène

Romain Gary (Émile Ajar)
La Vie devant soi
Gallimard, « Folio »
274 pages, 9782070373628, 6,10 €
Signé Ajar, mais Gary veille : c’est l’amour à la Gary dont il s’agit, de même que de son profond dégoût du racisme et de l’injustice. Il nous livre l’humain sans artifices avec une émotion vive et poignante. Momo, un jeune arabe à l’âge indécis et fils de prostituée, vit auprès de Madame Rosa, ancienne prostituée, juive. Elle vieillit, mal, et ses peurs ressurgissent. Momo n’a qu’elle et, oui, il l’aime, il la prendra en charge comme elle l’a fait pour lui, en son temps. Ce sont ses mots à lui, déformés, interprétés, ses propres définitions, qui prêtent parfois à rire, dans un langage cru, à vif. À lui, qui cherche à comprendre, à apaiser, à contrer. « L’humanité n’est qu’une virgule dans le grand livre de la vie. On est obligé de choisir ce qui nous plaît le plus comme manque d’attention dans le monde et les gens prennent toujours ce qu’il y a de mieux dans le genre. »
Marie-Hélène

Knut Hamsun
La Faim
traduit du norvégien par Georges Sautreau
Le Livre de poche
285 pages, 6,50 €
9782253049630
Un texte intemporel. Une analyse fine d’un cas clinique jamais « diagnostiqué », l’épreuve de la faim jusqu’à la folie. Paradoxe et ambivalence y sont prégnants.
Marie-Hélène

Harper Lee
Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur
traduit de l’anglais par Isabelle Stoïanov
Le Livre de poche
447 pages, 6,50 €
9782253115847
Lors de la Grande Dépression, Scout et Jem, orphelins de mère, vivent dans une petite ville de l’Alabama avec leur père, avocat et homme intègre. Commis d’office, il est chargé de défendre un Noir dans cette Amérique des années trente, du Sud, et c’est par les yeux et les mots de cette petite fille que la valeur de l’humain est appréciée dans ce qu’elle a d’universel. Un roman unique, le seul de cette auteure, mais aussi pour sa qualité d’écriture et la beauté du récit, dans la veine de Salinger, Capote et Faulkner.
Marie-Hélène