Littérature Poche

Joseph Ponthus

À la ligne : Feuillets d’usine

Gallimard, « Folio »

276 pages, 9782072881862, 8,10 €

Il faut bien vivre, il faut bien manger, alors il va pointer à l’usine. Décorticage de crevettes, cuisson des bulots, puis l’abattoir… Des phrases brèves qui cinglent, des mots bruts, crus, une cadence, et l’absence de ponctuation qui rythme le tout à merveille. Un très beau témoignage empli d’humanité.

Marie-Hélène

Olivier Mak-Bouchard

Le Dit du Mistral

Le Tripode

350 pages, 9782370553201, 10 euros

 

Un orage détruit le mur de pierres de M. Sécaillat, son voisin et lui vont faire une découverte qui bouleversera leurs vies. Un roman étonnant qui se lit comme on se ferait raconter une histoire au coin du feu. Mêlé de mythes et de légendes, de patois, de culture, à la fois roman et conte, récit d'une amitié et de la transmission générationnelle. C'est l'histoire d'un pays au sens d'une terre, d'une région, le Lubéron.

 

                                                                     Marie-Hélène

Michael McDowell

Blackwater

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Yoko Lacour et Hélène Charrier

Éditions Monsieur Toussaint Louverture

6 tomes, 8,40 € le tome

 

1919, une crue dévaste la ville de Perdido en Alabama. Alors que les secours s’organisent et que les habitants s’entraident, une femme débarque d’on ne sait où. Elinor va cependant s’immiscer dans la communauté en ne laissant personne indifférent. Sa présence va réveiller les passions et de nombreux incidents vont survenir. Cette saga retrace la vie à Perdido, en particulier celle de la famille Caskey, sur une cinquantaine d’années, nimbée de mystère et de suspens. Un univers à la Edgar Allan Poe.

                                                                Marie-Hélène et Rodolphe

Michel Bernard

Le Bon Cœur

La Table ronde, La Petite Vermillon

261pages, 7,30 €

9791037105608

 

L’histoire de l’engagement de Jeanne d’Arc, sa passion, son « bon cœur ». On la suit de Domrémy jusqu’au cachot, on la voit femme, femme d’armes, être sensible et engagé. Quelques années d’une brève existence mais si intense.

Marie-Hélène et Frédéric

 

Graham Swift 

Le Dimanche des mères 

Traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Marie-Odile Fortier-Masek 

Folio 

170 pages, 7,50 € 

9782070779178 

 

Angleterre, 1924, la tradition demeure chez les aristocrates. Ceux-ci octroient un dimanche à leurs employés pour rendre visite à leur mère. Jane est la femme de chambre de la famille Niven. Orpheline elle bénéficie toutefois de cette journée qu’elle passe habituellement à lire ou à se balader à vélo. Mais cette année-là, Paul Sheringham, fils de bonne famille la convie chez lui. Amants de longue date ils se verront une dernière fois avant qu’il n’épouse Emma. Laissée seule en son domicile, Jane prend quelques libertés et savoure ces moments. Ce dimanche 1924 bouleversera son existence. 

Marie-Hélène et Frédéric

 

 

Georges Perec

 

Ellis Island

 

POL, « Formatpoche »

 

96 pages, 8 €

9782818047385

 

 

Réédition du livre illustré de 1994, il s’agit ici du seul texte de Perec sans la participation de Robert Bober. L’auteur questionne ici l’exil, un non-lieu où des millions d’émigrants venus d’Europe se sont dispersés entre 1892 et 1924, forts d’un espoir, convaincus de gagner là l’Eldorado.

Marie-Hélène

Marie-Hélène Lafon

Nos vies

Folio

150 pages, 6,30 €

9782072788765

 

Paris, rue du Rendez-Vous… son Franprix, ses habitants. Une femme retraitée et solitaire observe ces gens qu’elle croise dans le magasin, elle imagine ce que pourrait être leur existence. Gordana en premier lieu, la caissière auprès de qui elle s’attache à passer tout comme le jeune homme fidèle au rendez-vous le vendredi matin. Et de là, en créant ces vis ordinaires elle remonte dans le temps vers sa propre histoire.

Marie-Hélène et Frédéric

 

Michel Bernard 

Deux Remords de Claude Monet 

La Table ronde, La Petite Vermillon 

233 pages,  8,70 € 

9782710385264 

 

Peu avant de mourir, Claude Monet, émit une exigence concernant le don à l’État des Nymphéas. Ce dernier devait acquérir une toile peinte une soixantaine d’années plus tôt et l’exposer au Louvre. Aucune explication ne fut fournie. Ce roman la propose en retraçant ce qui hanta le peintre toute sa vie. L’histoire de sa relation avec Marthe, sa muse ; le décès d’un ami proche, peintre de l’époque… Un très beau roman magnifiquement écrit.

Marie-Hélène

 

Carole Martinez

La terre qui penche

Folio

368 pages

9782072714535

 

Alternance des souvenirs et récits de deux âmes, celles d’une seule personne : Blanche. Blanche est d’une part cette jeune adolescente que le père confie à la famille de son futur époux, au domaine des Murmures. Son présent est riche d’expériences, de rencontres, de tentations et de découvertes. Blanche, est aussi cette jeune fille qui meurt en 1361 et qui demeure dans le temps, vieillissante, une âme hantée par sa jeunesse. C’est encore un univers magique et poétique que Carole Martinez évoque là, à la limite des contes, plus sombre cependant. 

Marie-Hélène

Bob Shacochis

La Femme qui avait perdu son âme

Traduit de l’américain par François Happe

Gallmeister, coll. « Totem »

789 pages

9782351785881

 

Une ressortissante américaine, photographe, est tuée en Haïti. Ce meurtre semble crapuleux, mais paraît énigmatique à un avocat et à un ancien membre des forces spéciales qui avaient rencontré cette compatriote lors d’une mission sur l’île, quelques années auparavant.

 

Tout à la fois tragédie familiale, initiée en Croatie pendant la Seconde Guerre mondiale, par sa description des relations tout à la fois confiantes, admiratives et tourmentées entre un père et sa fille, et évocation des diverses interventions américaines au cours des décennies 80 et 90, entre Afghanistan, Turquie, Bosnie et Haïti, ce roman complexe, magnifique et envoûtant trace les prémices des grands bouleversements de l’après 2001. 

Frédéric

Gaëlle Josse

L’Ombre de nos nuits

J'ai lu

206 pages

9782290138908

 

Un tableau de Georges de La Tour est au cœur de ces deux récits. C’est en visitant un musée qu’elle tombe en arrêt devant l’oeuvre et que l’attitude du personnage féminin, sa compassion la plongent dans la réminiscence. L’occasion donc pour elle de revenir sur sa relation avec l’homme qui habitait sa vie. En parallèle, l’histoire de la composition du tableau, 1639, en Lorraine, la guerre de Trente Ans en toile de fond. Toutes les étapes sont esquissées jusqu’à la volonté du peintre de faire de ce tableau un chef d’œuvre, avec son départ pour la cour du roi de France… 

Marie-Hélène

Larry Brown 

Fay 

traduit de l’anglais (États-Unis) par Daniel Lemoine 

Gallmeister 

560 pages,  12 € 

9782351785768 

 

Fay n’a pas 17 ans et ne supporte plus sa vie de misère ; aussi part-elle sur les routes du Mississippi pour trouver sa voie. Belle, peu instruite, ne connaissant pas grand-chose à la vie dans la société, elle croisera sur sa route plusieurs personnes auprès de qui elle aura tendance à s’abandonner, sans réelle conscience. De ces rencontres, elle sort toujours un peu grandie mais son passage ne laisse pas indifférent ou indemne. Un roman captivant, comme Fay elle-même.

Marie-Hélène

Anne Percin

Les Singuliers

Actes Sud, Babel

404 pages,  9,50 €

978233006696

 

Pont-Aven, été 1888. Le village attire les peintres de l’avant-garde et leurs écoles, refusant l’académisme. Hugo Bloch ne fait pas exception, besoin de s’éloigner de la capitale où il étudie la peinture mais où il vient de rater l’entrée aux Beaux-Arts, de sa Belgique natale où ses parents, son père en particulier, menacent de lui couper les vivres s’il continue dans une voie à leur sens incertaine. C’est au fil de ses lettres à sa cousine qu’il décrit ce qu’il saisit de l’époque, du lieu, de l’art, de ses états d’âme. Il s’installe chez Marie Gloanec qui tient une pension où chaque année s’établissent ceux qui déjà marquent l’histoire de l’art. Gauguin s’y fait chef de groupe, il entretient une correspondance avec les Van Gogh. Théo tient la galerie où exposent parfois certains d’entre eux ; Vincent est en convalescence. Hugo s’intéresse à la photographie, non encore reconnue, décidé à rester sur place, il pratique ce nouvel art auprès des gens du cru, de leurs attentes, il côtoie la mort et la solitude. Ce sont deux années qu’il passera à Pont-Aven, s’y cherchant, donnant sens à son existence.

Marie-Hélène et Frédéric

Steve Tesich

Price

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Jeanine Hérisson

Points

517 pages, 8,50 €

9782757857007

 

L’été est là, le moment de la remise des diplômes est arrivé à East Chicago (Indiana), Daniel, Misiora et Freund – les meilleurs amis au monde – vont donc quitter le lycée sans savoir vers quel avenir – ou, plutôt, le seul qui se dessine pour tout un chacun dans une ville industrielle –, mais avec en tête la préoccupation de l’âge, de l’époque… ça les tracasse. Daniel vient de perdre sa chance d’obtenir une bourse – s’est couché lors de son dernier combat de lutte –, il craint son père en train d’agoniser et plonge dans une histoire d’amour mouvementée avec Rachel, extrêmement proche de son père, elle. Entre eux, colère, passion, mensonges, un premier amour à la fois riche et destructeur. Roman du parcours intime d’une jeunesse qui peine à devenir adulte. Premier roman de l’auteur.

Marie-Hélène

Joyce Carol Oates

Maudits

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Seban

Points

802 pages, 9,30 €

9782757832271

 

A Princeton, en 1905, bourgade universitaire qui jusque là n’avait connu que les manigances et oppositions feutrées de l’administration de la prestigieuse et riche université, va surgir le Mal absolu, sous des manifestations tellement déroutantes et dérangeantes, que seul le Malin lui-même est susceptible de l’avoir répandu.

Avec une démesure et une liberté que le lecteur reçoit avec jouissance et jubilation, Joyce Carol Oates, dans des narrations parallèles et complémentaires, issues de notes, de journaux, d’études historiques, de confessions, dresse le portrait d’une société américaine qui, contrainte et brimée par ses codes moraux et religieux, de convenance plus que vécus sincèrement, explose dans une violence incompréhensible et hallucinante.

Frédéric

William March

Compagnie K

Traduit de l’américain par Stéphanie Levet

Gallmeister, coll. « totem »

258 pages, 9,90

9782351785584

 

Ce livre écrit en 1933 et publié pour la première fois en français, est le cri, le témoignage, le cauchemar, le souvenir, d’une centaine d’hommes, simples soldats ou officiers de la Compagnie K, engagée sur le front français en 1917 et il fut inspiré par l’expérience de l’auteur. Ce sont autant de scènes brèves, diverses et sensibles, depuis les classes aux Etats-Unis et la traversée de l’Atlantique, jusqu’aux combats, à l’Armistice et au retour au pays, vécues ou observées par des hommes tour à tour hébétés, courageux, blessés, affamés, endeuillés, fragilisés, solidaires, rebelles, désespérés, qui décrivent l’inhumanité du conflit et les traumatismes subis.

Frédéric

Ken Kesey

Et quelquefois j’ai comme une grande idée

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Antoine Cazé

Monsieur Toussaint Louverture

894 pages, 14,50 €

9791090724228

 

L’auteur avait réussi un coup de maître avec Vol au-dessus d’un nid de coucou ; dans un style autre, loin de la psychiatrie mais toujours aux confins de ce qui fait les relations humaines, c’est d’un ovni littéraire qu’il s’agit là. Le récit à plusieurs voix, passé, présent, pensées, dialogues, journal, mémoire orale… Tout se mêle s’intrique pour révéler petit à petit le plus intime, le plus personnel. Une ville forestière de l’Oregon où la tradition des bûcherons demeure dont une famille installée de longue date, respectée pour la force de caractère de ses membres, leur autorité, leur ténacité, les Stampers. Mais le clan est divisé, sont restés sur place le patriarche et son fils aîné Hank, l’indestructible. Lee, le « fragile » cadet – l’étudiant à vie, plongé dans ses livres – a suivi sa mère ; tout lien semblait perdu, les troubles familiaux n’ont rien arrangé. Une grève est déclenchée, les Stampers contrent le syndicat et se mettent à dos les bûcherons. Pour honorer leur contrat et tenter de sauver les meubles, ils ont besoin de main-forte mais cela doit rester dans la famille : l’occasion de faire appel à Lee, et que chacun règle ses comptes.

Marie-Hélène et Frédéric

David Peace

Rouge ou mort

Traduit de l’anglais par Jean-Paul Gratias

Rivages

957 pages, 10 €

9782743633295

 

A la fin des années 50, le Liverpool Football Club végète en deuxième division anglaise.  Ses dirigeants font alors appel à Bill Shankly, ex-joueur moyen, mais entraîneur exigeant et passionné, qui est persuadé que le Club et le public populaire de Liverpool méritent une équipe de football en compétition parmi l’élite anglaise puis  dans les prestigieuses compétitions européennes.

Selon son habitude, David Peace ne nous embarque dans une lecture facile et désinvolte. Comme Bill Shankly, il va nous falloir être opiniâtre et dévoué à la cause du livre comme lui le fut à celle du Liverpool Football Club. Avec lui, nous allons partager et répéter obsessionnellement les entraînements et les matches sous la pluie et le vent, les entretiens avec des joueurs déconfits et amers, les conflits avec les dirigeants, nous inquiéter pour une famille négligée, pour découvrir dans les tribunes d’Anfield Road la motivation exclusive de cet homme du peuple : la ferveur inconditionnelle du public et des supporters, économisant sur de maigres salaires pour encourager les Reds et chanter en chœur, You Never Walk Alone. C’était juste avant que le football ne devienne une caricature du monde économique et financier contemporain.

Frédéric

Léonor de Récondo

Pietra viva

Points

181 pages, 6,50 €

9782757838044

 

Michelangelo a 30 ans, artiste déjà reconnu, l’avenir lui sourit. Mais l’homme vient de perdre Andrea, jeune moine auquel il était très attaché, à sa beauté. Fuir ce qui fut, ce qui ne sera. Il part pour Carrare sous prétexte d’une commande à honorer. Il se terre des mois durant au cœur de la noble matière, s’immisce dans la vie des carriers et se lie à Cavallino, qui se prend à s’y méprendre pour un cheval, qui parle à l’oreille des bêtes. Il rencontre Michele, un jeune orphelin ; ils s’apprivoiseront et, comme le sculpteur le ferait d’une œuvre, leur relation fera émaner les ombres qui pèsent, les ressentiments, la colère, la douleur, le deuil… L’apparence lisse et froide saura estomper sans cacher. Un très beau roman, émouvant où la sculpture se décline sous de nombreuses formes, l’œuvre, les mots… où la matière prend forme et vie.

Marie-Hélène 

Marc Biancarelli

Murtoriu

traduit du corse par Jérôme et Marc-Olivier Ferrari, Jean-François Rosecchi

Actes Sud, Babel

267 pages, 7,80 €

9782330039486

 

L’amitié masculine et le droit à la singularité sont les lignes qui tissent ce beau roman à l’écriture singulière, poétique et personnelle. Mais c’est insurrection, révolte, déception profonde et intime (ses contemporains, le matérialisme), désespérance, figure paternelle et langue qui obsèdent Marc-Antoine, libraire et écrivain inaccompli qui vit en reclus dans la maison familiale dont il a hérité sur l’Île de Beauté. Ses seuls compagnons, les seuls qu’il tolère, sont Trajan et Mansuetu, un agriculteur féru d’histoire et d’architecture, un berger infirme et taiseux. « Je sais que si je me suis mis à écrire et particulièrement dans cette langue, ce fut pour donner une vie à ses mots à lui, pour tenter de m’approcher de la richesse des expressions qui étaient les siennes. Mais j’étais trop orgueilleux pour lui concéder une victoire, pour reconnaître la puissance de la figure paternelle. J’aimais l’idée de m’être élevé tout seul, d’être un homme indépendant, de ne rien lui devoir, mais c’était son avis qui, à la fin, comptait par-dessus tout. Lui, connaissant tous ces sentiments contraires qui m’animaient, sachant la violence de notre dualité ».

Marie-Hélène

Yan Lianke

Les Quatre Livres

traduit du chinois par Sylvie Gentil

Philippe Picquier

446 pages, 10 €

9782809711165

 

Le premier des Quatre Livres, intitulé « L’Enfant du ciel », se présente comme une réécriture de la Genèse et nous projette dans la zone 99 de novéducation, au moment de l’arrivée de l’Enfant mandé par les autorités pour la diriger. Intellectuels, enseignants, musiciens, hommes de science, artistes ou érudits : tous devront peiner à la tâche et se novéduquer. Ils tripleront le rendement de la culture de céréales et participeront à l’effort collectif de production de l’acier, en construisant des hauts-fourneaux, provoquant déforestation, sécheresse, famine et cannibalisme. Le blé sera irrigué de sang... « Et il en fut ainsi. »

Le deuxième livre, intitulé « Le Vieux Lit », est le récit clandestin de la vie dans la zone 99 que l’Écrivain, doté d’une plume, de papier et d’encre, décide d’écrire en parallèle du texte officiel que les autorités lui ont commandé, afin de dénoncer les faits et gestes de ses camarades. Intitulé « Des criminels », ce texte constitue le troisième livre.

Enfin, du quatrième livre, un essai philosophique inachevé et inédit, intitulé « le Nouveau Mythe de Sisyphe », auquel l’Érudit travailla toute sa vie, nous ne lirons que l’introduction...

Le titre est une référence directe aux quatre Évangiles et aux Quatre Livres, un corpus de textes regroupés au XIIe siècle pour former, avec les Cinq Classiques, le canon du Confucianisme.

À partir de ces livres entrelacés, donnés sous forme d’extraits, dans des typographies différentes, en une construction à la fois complexe et lumineuse, YAN Lianke déroule une fresque sidérante, décrivant implacablement l’horreur du « Grand Bond en avant », qui, de 1958 à 1960, provoqua la mort de 36 millions de Chinois.

Sarah et Frédéric 

Tom Lanoye

La langue de ma mère

La Différence, coll. « Minos »

Traduit du néerlandais (Belgique) par Alain van Crugten

451 pages, 12

9782729121822

 

La mère de l’auteur, épouse d’un commerçant boucher-charcutier d’une bourgade de la province d’Anvers et actrice dans une troupe d’amateurs, a été frappée d’aphasie durant les deux années précédant son décès. Pour elle, dont les réparties, les comédies, le goût de la représentation, excessive, pittoresque et drôle faisaient le bonheur et l’agacement de sa famille, de ses amis et de ses relations, c’est une perte cruellement ressentie et partagée.

Cette chronique familiale, et aussi celle d’un quartier d’une petite ville flamande, est tout à la fois truculente, émouvante, impudique, pleine d’amour et de tendresse. Les drames familiaux, la difficile fin de vie des parents de l’auteur, les différences qui auraient pu les déchirer, sont présentés avec toute leur cruauté et leur douleur, mais aussi emportés dans une ronde d’anecdotes, de souvenirs, d’émotions, sublimés par une langue pleine d’allant.

Frédéric

Joyce Carol Oates

Corky

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Seban

Le Livre de poche

952 pages, 9,60 €

9782253099703

 

Jérome Corcoran a huit ans lorsque son père est assassiné sous ses yeux. Trente plus tard, parvenu à une situation professionnelle flatteuse mais instable, séparé de sa femme, alarmé par des nouvelles inquiétantes de sa belle-fille, négligeant la famille de son père, il doit tenter de faire bonne figure durant la campagne électorale de son ami candidat à sa réélection alors que divers scandales menacent la municipalité.

 

Joyce Carol Oates dresse une nouvelle fois un impressionnant portrait de mâle américain, fanfaron naïf, marqué par son enfance dramatique, bercé d’illusions entretenues par l’alcool et la solitude, soumis aux pressions financières, politiques et sociales en contradiction avec un désir de droiture, et conscient par instants très douloureux de son exclusion du monde auquel il souhaite être intégré.

Frédéric 

Laura Kasischke

Esprit d’hiver

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Aurélie Tronchet

Le Livre de poche

308 pages, 7,10 €

9782253194323 

 

Holly et Eric, après une soirée bien arrosée, se réveillent tard le matin de Noël, et Eric doit partir précipitamment à l’aéroport accueillir ses parents qui viennent passer les fêtes en famille. Holly reste donc seule avec Tatiana, leur fille, adoptée treize plus tôt en Russie. Tatiana est levée et d’humeur maussade. 

Eprouvant huis clos, entre une mère et sa fille, ponctué de colères, de brèves réconciliations, de vaines embrassades, de coups de griffes, de ressentiments, d’amers souvenirs, de regrets, de mensonges et de peurs enfouies. Des scènes peut-être rêvées, imaginées, des objets domestiques récalcitrants, un blizzard menaçant dressent autour de cette tragique confrontation une ambiance étrange et fantastique.

Frédéric 

Erwin Mortier

Psaumes balbutiés

Traduit du néerlandais (Belgique) par Marie Hooghe

Libretto

191 pages,  8,70 €

9782369140986

 

Comme un recueil de pensées, non pas un journal. Des fragments d’anecdotes, de ressentis qui racontent la déchéance d’une mère atteinte de la maladie d’Alzheimer. La douleur de perdre un être aimé pour chaque membre d’une même famille, le poids de la maladie et ce dit avec sincérité et poésie.

Marie-Hélène

Joyce Carol Oates

Mudwoman

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claude Seban

Points

564 pages, 8,30

9782757840634

 

M.R. Neukirchen est la présidente d’une des plus réputées universités américaines. Mais bourreau de travail solitaire, aux convictions morales affirmées, ayant conquis la reconnaissance dans un milieu, sinon hostile, mais pour le moins méfiant et revanchard, cette femme va craquer lors d’un retour sur les lieux de son enfance et de son abandon par sa mère, au milieu des marais.

Saisissant effondrement d’une femme, qui réussit à s’extraire d’un grave trauma de l’enfance pour atteindre les plus hautes fonctions, mais en étouffant toute possibilité d’épanouissement amoureux, familial, voire professionnel, dans une société américaine où la violence, qu’elle provienne des rapports individuels, des engagements politiques ou sociétaux, ou  des conflits engagés par son gouvernement, brisent les plus fragiles.

Frédéric

Antoine Choplin

Le Héron de Guernica

Points

158 pages, 5,90 €

9782757843321

 

Sélection française Prix Page des Libraires 2011

 

Basilio est un jeune peintre amateur souvent considéré comme un peu « simple », obsédé par le héron, la représentation de son immobilisme et la pregnance de son regard. La vie paraît calme et sereine à Guernica où il demeure, lui, empressé de traduire par sa peinture l’émotion qu’il ressent à la vue du bel oiseau ; mais les signes du drame s’annoncent. Mais le héron demeure, accapare l’esprit du jeune homme, seule cette absence de mouvement le fascine. Il s’est promis de faire une toile pour la jeune femme qu’il aime mais qu’il perdra. Lorsque pendant les attaques, il a l’occasion de prendre des photos, là encore c’est dans l’immobilisme qu’il tente d’exprimer ce qu’il éprouve : cette bicyclette couchée au cœur de la tourmente, au milieu de la ville en cendres. Qui d’autre pourrait témoigner ainsi, dépeindre l’horreur, avec ses talents d’artiste ? Son ami le père Eusebio, lui apprend que Picasso présente Guernica à l’Exposition universelle de Paris, qu’il a peint sans en avoir vu ni vécu quoi que ce soit. Basilio, accepte de s’y rendre et de rencontrer le peintre.

Marie-Hélène, Sarah et Frédéric

Jérôme Ferrari

Où j'ai laissé mon âme

Actes Sud, coll. "Babel"

160 pages, 6,80 €

9782330018702

Prix France Télévisions 2010

 

Sans hésitation, une écriture rare et poétique, un très beau texte, dur mais puissant, dont on ne sort pas indemne. Deux voix s’élèvent pour rapporter la guerre d’Algérie et livrer une réflexion profonde, philosophique, sur les grands sentiments qui font l’homme. Au-delà du bien et du mal, nous sommes dans l’humanité.

 

Marie-Hélène, Sarah et Frédéric

Guy Goffette

Géronimo a mal au dos

Folio

179 pages, 6,20 €

9782070457106

 

Dans le premier roman de l’auteur, Un été autour du cou, Simon relatait son initiation sexuelle, son accession à l’âge de 12 ans à une prématurité. L’âge d’homme est venu ; sa vie, il l’a menée éloigné de sa famille, domicile quitté comme il se doit pour toute personne en devenir. Mais son départ fut brutal, coupable peut-être, culpabilisant sans doute, difficile assurément. Le retour donc, mais pour l’adieu au père maintenu à distance. Un monologue qui recompose, qui cherche à (re)trouver ce qui fut perdu, à (re)considérer le mal compris, le non-dit, le sous-entendu ; oser penser et dire les quatre vérités. Le temps de mûrir, d’être homme et de prendre sa (propre) place ? Guy Goffette convoque les souvenirs, les anecdotes sans sombrer dans le nombrilisme, le pathos, avec une plume magistrale et des mots d’une sensibilité rare. « Aujourd’hui, papa, je suis là à ta place devant ce pays sans fond, […]. Je suis là aujourd’hui à ta place et j’ai la gorge nouée. J’allume une de tes cigarettes pour chasser ce que je sens monter en moi et que j’ai toujours détesté. Bon sang de bon sang, me dis-je, en refoulant mes larmes, est-ce qu’on grandit jamais ? »

Marie-Hélène

Boubacar Boris Diop

Murambi, le livre des ossements

Zulma, coll. « Za »

224 pages, 8,95 €

9782843046780

 

Dans les années cinquante, la question ethnique se construit dans le Rwanda colonisé. En 1959, une guerre civile éclate, les Tutsi sont minoritaires, nombre d’eux s’exilent et tentent de revenir en 1963 au Rwanda alors République hutu. De nombreux massacres, et des « réussites » d’intégration (quotas…). Suit une période d’entente relative entre les membres des ethnies. Officiellement, cette haine remonte à des temps lointains. Les Tutsi restent méfiants. 1994, le président Habyarimana meurt dans un « accident » d’avion. Les forces au pouvoir organisent la vengeance. Armées de machettes, les forces armées hutu s’en prennent à toute personne tutsi, quel que soit son âge. La violence fait rage. 1998, Cornelius revient de son long exil à Djibouti, il avait accepté un poste bien avant le drame. Il a besoin de comprendre, de voir, du pardon. Sang-mêlé, sa mère était tutsi, son père un éminent hutu, le Dr Karakezi, qui a rassemblé au sein de l’École technique de Murambi nombre de Tutsi pour leur protection… ils seront tous exécutés sous son ordre, ses propres femme et enfants. Murambi sera un lieu de mémoire où sont exposés les corps pour que le monde accepte le terme génocide. Pour que les survivants puissent témoigner.

Marie-Hélène

 

Willa Marsh

Le Journal secret d’Amy Wingate

traduit de l’anglais par Éric McComber

J’ai lu

250 pages, 6,70 €

9782290054031

 

Sur les conseils de son médecin, Amy Wingate, professeur de lettres à la retraite, se met à rédiger un journal, espérant ainsi soigner sa déprime et mettre à distance ses tendances acariâtres. De la chronique amusante et sans concession de la vie de ses amis Francesca et Simon, un couple de trentenaires, à sa rencontre avec Gary, un jeune voleur à l’étalage, le journal devient le réceptacle de bien des secrets…

Avec une précision d’entomologiste et un humour féroce, Willa Marsh brosse le portrait d’une femme inoubliable, bien loin de ce qu’elle paraît être, une vieille fille retranchée dans sa « maison tout en hauteur au bord de la mer ». Un roman surprenant et immoral. So British !

Sarah

Donald Ray Pollock

Le Diable, tout le temps

traduit de l’américain par Christophe Mercier

Le Livre de poche

403 pages, 7,10 €

9782253175889

 

Nouvelle chronique « sociale », de Knockemstiff et de ses alentours. Nouveaux portraits de familles dont le marasme ne ressemble pas à celui décrit dans Knockemstiff (cf. Nos coups de cœur), moins désespérant peut-être mais toujours aussi « prenant ». Ici, les familles sont engluées dans les notions de bien et de mal, dans la perversion et la folie, poussées à leur comble. Les protagonistes sont plus mobiles, oscillant entre l’Ohio (Meade) et la Virginie occidentale (Lewisburg) comme s’ils avaient osé franchir la frontière imaginaire de la ville, mais à leurs risques et périls. Tous se retrouvent liés, les récits s’entremêlent, les routes se croisent, les actes des uns agissent sur les autres… Se rencontrent ainsi un vétéran et les siens, un prédicateur et son cousin handicapé, des artistes de cirque, un couple serial killer, un flic véreux…

Marie-Hélène

Patrick Deville

Peste & Choléra

Points

240 pages, 6,90 €

9782757836903

 

« Sept milliards d’hommes peuplent aujourd’hui la planète. […] Le calcul est simple : si chacun d’entre nous écrivait ne serait-ce que dix Vies au cours de la sienne aucune ne serait oubliée. Aucune ne serait effacée. Chacune atteindrait à la postérité, et ce serait justice. » Deville, en fantôme du futur a puisé dans les archives, correspondances et autres documents de l’Institut Pasteur, pour rendre justice à celle d’Alexandre Yersin (1863-1943). Médecin biologiste au sein de la première équipe de l’Institut tout juste créé, Yersin découvre le bacille de la peste et pointe le rôle du rat dans l’épidémie. L’homme ne peut se satisfaire d’une vie rangée – loin de lui l’idée de fonder une famille – et d’une activité seule et unique. Poussé par une curiosité manifeste, ses aspirations de jeunesse – lectures, passion pour Livingstone –, fuyant les préoccupations politiques qui touchent l’époque, il part à l’aventure de par le monde : médecin de bord, explorateur, quelques missions pour l’Institut, praticien pour les populations locales et, toujours, observateur. Tout au long de son existence, il se confie à sa mère puis sa sœur et transmet à ses collègues ses rapports scientifiques. Ce sont les terres d’Asie qui auront eu sa préférence, l’humaniste termine sa vie en Indochine.

Marie-Hélène, Frédéric et Sarah

Joyce Carol Oates

Petit oiseau du ciel

Traduit de l’anglais par Claude Seban

Points

543 pages, 8,30 €

9782757833001

 

Zoé Kruller, la jolie serveuse qui ambitionnait de devenir une vedette de la chanson country, est découverte morte, par son jeune fils Aaron. Les soupçons se portent sur l’un de ses amants, Eddy Diehl, ou son mari, dont elle est séparée, et père d’Aaron, Delray, un Indien. L’enquête n’aboutit pas.

Comme à son habitude, Joyce Carol Oates n’épargne ni ses personnages, ni ses lecteurs dans cette intrigue située dans les milieux sociaux modestes, voire miséreux, fort bien décrits, d’une petite ville américaine. Fascinés, éprouvés et bouleversés, nous sommes plongés dans les tourments violents, malsains et ambigus, des protagonistes du drame. Les grandes tragédies américaines (Vietnam, discriminations contre les Indiens, drogues et alcools, violence et corruption) ont gangrené le destin des pères, détruit l’avenir des femmes et des mères, et fragilisé celui de leurs enfants. Il reste alors à ceux-ci à s’armer de lucidité et de courage, mais aussi d’amour et d’empathie, pour affronter leurs peurs, leurs destins, puis s’en affranchir.

Frédéric

 

Toni Morrison

Home

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Christine Laferrière

Points

144 pages, 6,10 €

9782264058799

 

Frank Money est revenu de la guerre de Corée, marqué par les horreurs vécues qu’il tente d’oublier par l’alcool, l’errance. Mais une lettre lui enjoint d’aller secourir sa sœur.

Sensible et émouvante histoire familiale, dans les Etats-Unis des années 50, où les lois raciales Jim Crow en vigueur, entraînaient expulsions, interdictions multiples, misère et ressentiment. Les portraits de ces personnages principaux, finement brossés, sont empreints d’ambiguïté, de mélancolie, de tendresse et de dignité reconquise, dans un environnement familial, amoureux et social, dévasté et hostile, heureusement illuminé par des rencontres de hasard généreuses.

Frédéric

Julie Otsuka

Certaines n’avaient jamais vu la mer

traduit de l’américain par Carine Chichereau

10|18

138 pages, 6,60 €

9782264060532

 

« Sur le bateau nous étions presque toutes vierges. Nous avions de longs cheveux noirs, de larges pieds plats et nous n’étions pas très grandes. Certaines d’entre nous n’avaient mangé toute leur vie durant que du gruau de riz et leurs jambes étaient arquées, certaines n’avaient que quatorze ans et c’étaient encore des petites filles. »

Le ton est donné : aucune voix particulière, aucun personnage de « roman », au sens classique du terme, aucune figure à laquelle s’identifier, mais un choeur de femmes sidérant. Qu’elles viennent de Tokyo, de Nara ou du fin fond de la campagne japonaise, ces femmes parties se marier aux Etats-Unis, au début du XXe siècle, à des hommes dont elles n’ont reçu qu’une photographie et quelques lettres – qui, pour la plupart, se révéleront fausses –, connaîtront l’éprouvante traversée, le traumatisme de la nuit de noces, la désillusion, le racisme, le labeur, la vie aussi qui surgit malgré tout, comme une herbe d’entre les pierres, puis le choc de Pearl Harbor, la guerre, la suspicion, les rumeurs, les arrestations, les disparitions, les déportations...

Par ce « nous » de majesté, Julie Otsuka nous restitue magistralement la geste méconnue de celles qui « sont comme n’ayant jamais été, Et de même leurs enfants après eux ».

 

Du même auteur, aux éditions 10/18, Quand l’empereur était un dieu, un récit court et puissant, inspiré de la vie des grands-parents de Julie Otsuka, qui commence là où s’arrête Certaines n’avaient jamais vu la mer : après l’attaque de Pearl harbor, une famille de Berkeley est déportée pendant trois ans dans un camp d’internement de l’Utah, aux portes du désert. Accrochés aux souvenirs heureux de leur vie « d’avant », la mère et les deux enfants doivent alors tenir, grandir, survivre à l’humiliation, aux privations, à la promiscuité, à l’absence du père. Puis, « après », au retour, rester polis, se fondre dans le décor, se faire oublier, « oublier »...

Sarah, Marie-Hélène et Frédéric

Richard Powers

Gains

traduit de l’américain par Claude et Jean Demanuelli

10|18

618 pages, 9,90 €

9782264058485

 

1830, Boston, la famille Clare crée une petite entreprise fabriquant et commerçant des savons et des bougies. Au fil des années, des crises financières, des guerres, des découvertes scientifiques, des optimisations industrielles et des études de marché, la modeste fabrique est devenue une gigantesque société internationale.

1998, Laura Bodey, divorcée, et mère de deux adolescents, ayant vécu et travaillé à l’agence immobilière d’une petite ville située à proximité des usines de Clare Inc., lutte contre le cancer et les effets des traitements.

Dans l’alternance de ces récits, l’auteur nous plonge dans deux histoires de survie, de mutation, de déclin et de disparition, qui se sont nourries l’une de l’autre : les prospérités de la firme et de Laura sont allées de pair, jusqu’aux conséquences sur la santé de Laura qui pourraient entraîner la dislocation de la société. Ce roman, aux analyses historiques et socio-économiques claires et passionnantes, à l’émotion croissante, est également chargé d’ambiguïté quant aux rôles et aux attitudes de chacun, tour à tour citoyen, entrepreneur, salarié ou consommateur.

Frédéric

Lyonel Trouillot

La Belle Amour humaine

Actes Sud, coll. "Babel"

169 pages, 6,7 €

9782330018719

 

Au cours du trajet qui la mène de la grande ville vers un petit village côtier d’Haïti, Anaïse, une jeune femme occidentale qui cherche à résoudre l’énigme fondatrice de son roman familial, écoute le long monologue entrepris par Thomas, son guide, pour éviter de répondre directement à ses interrogations et « laisser les choses à leur mystère ». Durant ces « sept heures de route entre le bruit et le silence », d’anecdote en digression, se dessine peu à peu une galerie de portraits sensibles et hauts en couleurs des habitants d’Anse-à-Fôleur.

De sa belle langue, riche d’images et de poésie, Lyonel Trouillot nous offre un voyage inoubliable, à l’instar de cette question, la seule question qui compte et qui résonnera longtemps après avoir fermé le livre : « Ai-je fait un bel usage de ma présence au monde ?  »

Sarah

Claro

CosmoZ

Actes Sud, coll "Babel"

597 pages, 11 €

9782330022884

 

Histoire du demi-siècle, de 1900 à 1956, à travers les destins de Frank Daum, écrivain créateur du Magicien d’Oz et de ses personnages incarnés et immergés dans la folle et tragique Histoire de ces décennies, des tranchées de la Première Guerre Mondiale aux camps de concentration, passant entre les mains de faux guérisseurs, d’exploiteurs et de vrais bourreaux.

On retrouve la volonté d’Omega Mineur (déjà traduit par Claro) d’embrasser cette époque, mais, ici, à travers le destin de personnages fantasmagoriques, Dorothy, l’Epouvantail, le Bûcheron en Fer-Blanc, Leo le Lion, les Nains, la Sorcière, et d’explorer ses événements, ses idées, ses révolutions culturelles et technologiques et leurs dérives ( progrès chirurgicaux mais expérimentations médicales, émancipation des femmes par le travail insalubre, cinéma et télévision qui distraient de l’Histoire en marche…).

Frédéric

Arnaud Rykner

Le Wagon

Actes Sud, coll. « Babel »

149 pages, 7,00 €

9782330022815

 

Juillet 1944, trois jours du dernier voyage pour nombre des « passagers » de ce convoi de vingt-deux wagons. Compiègne-Dachau en aller simple. Nous connaissons l’horreur des faits, des camps, mais celle des dernières heures dans le train, narrées par un jeune homme de 22 ans, est, comme le dit l’auteur, « Irréelle » et l’on ne peut qu’y croire. Une écriture concise pour relater l’alternance des sentiments, du désespoir à l’optimisme ; l’humanité, perdue et retrouvée ; l’enfer.

Marie-Hélène

Susan Fletcher

Un bûcher sous la neige

traduit de l’anglais par Suzanne Mayoux

J'ai lu

475 pages, 8 €

9782290025253

 

A Glencoe, en Ecosse, au XVIIe siècle, Corrag, une jeune femme d’origine anglaise, accusée de sorcellerie, attend son châtiment. A la recherche d’informations sur un massacre perpétré dans les Highlands, le Révérend irlandais Charles Leslie lui rend visite dans sa geôle, afin de lui soutirer son témoignage. Mais les principes rigides de l’homme d’église vont peu à peu se trouver ébranlés par la force de vie, l’humanité et l’amour de la nature qui se dégagent des récits de cette petite femme extraordinaire.

Un roman foisonnant avec lequel vous chevaucherez à travers la lande enneigée, vous baignerez dans les cascades et apprendrez à sauver toutes les créatures…

y compris les araignées !

Sarah et Marie-Hélène

Zoyâ Pirzâd

C’est moi qui éteins les lumières

traduit du persan (Iran) par Christophe Balaÿ

Zulma, coll. "Z/a" 

384 pages, 9,95 €

9782843045561

 

L’un des premiers titres à paraître dans la toute nouvelle collection, de poche, des éditions Zulma.

Dans l’Iran des années soixante, Abadan (ville de la province du Khuzestan, au sud-ouest, où le conflit irano-irakien sera destructeur) se distingue par son complexe pétrolier et son port, par l’empreinte de la culture anglaise et par la mixité raciale. Clarisse et les siens y sont installés, comme bon nombre de familles dont un membre travaille pour la raffinerie. Eux sont arméniens, l’harmonie sociale semble acquise – déjeuners au club, bon voisinage et amitiés malgré l’intérêt du mari pour la politique – et l’unité familiale tenir bon – malgré la crise d’adolescence de l’aîné, une grand-mère et une tante envahissantes. Clarisse y veille. C’est son rôle, sa tâche dans le pur respect de la tradition patriarcale : née dans le genre féminin, elle sera toujours « celle de » (fille, femme, mère « d’untel »)… travailler à la maison, se marier, avoir des enfants. Forte d’une richesse de cœur, d’une culture et d’un élan naturel à prendre soin des autres, Clarisse voit cependant son petit monde bouleversé par l’arrivée de nouveaux voisins ; cela la pousse à porter un nouveau regard, à la fois tendre et romanesque, de l’intérieur, sur ce petit cercle et son quotidien. C’est tout cela que soulève la rituelle et anodine (?) question de son mari : « J’éteins les lumières, ou tu le feras toi-même ? »

Marie-Hélène

Siri Hustvedt

Un été sans les hommes

traduit de l’américain par Christine Le Bœuf

Actes Sud, coll. "Babel" 

240 pages, 7,70 €

9782330018641

 

Parce que son mari, Boris, neuroscientifique, souhaite faire une pause (incarnée par une femme de vingt ans plus jeune qu’elle !), Mia, poétesse, craque et décide de quitter Brooklyn. Elle loue une maison dans un trou perdu du Minnesota, où elle a passé son enfance, non loin de la résidence pour personnes âgées dans laquelle habite sa mère. S’ensuit une période de réflexion et de reconstruction, intense et bénéfique, ponctuée par des rencontres féminines : les sémillantes vieilles dames qui entourent sa mère, les « sorcières », un groupe d’adolescentes à qui elle propose un atelier de poésie, et sa voisine Lola, une jeune mère fragile.

Outre qu’elle se paye le culot de s’adresser ponctuellement à nous, lecteurs, sans que cela semble jamais démagogique, Siri Hustvedt brosse de son écriture si limpide et attachante des portraits de femmes à différents âges, tout à la fois confrontées à la tragédie et à la comédie de la vie. Mais, au fond, quelle différence ? « Une comédie, c’est quand on arrête l’histoire exactement au bon moment. »

Sarah

Jim Dodge

L’Oiseau Canadèche

Traduit de l’américain par Jean-Pierre Carasso

10|18 

114 pages, 4,90 €

9782264059543

 

Jonathan Adler Makhurst II dit Titou déjà orphelin de père perd sa mère. Pépé Jake, le papa de la dernière, un homme de la nature type ursidé et réfractaire qui joue, traficote et s’endette, exige de recueillir l’enfant. Chose dite chose faite : si leurs passions diffèrent, les caractères font bon ménage. L’un se croit immortel, se fie aux rêves et ne jure que par le Vieux Râle d’Agonie (dont il a hérité la recette) ; l’autre est obsédé par les clôtures et par la chasse d’un certain sanglier. Et Canadèche ? C’est l’inséparable compagnon, un canard au tempérament bien trempé dont la race, tel un totem, trace les vies des protagonistes. Une bonne heure de plaisir en perspective avec ce conte naturaliste, premier texte de Dodge, dans la veine des grands auteurs américains.

Marie-Hélène

Carole Martinez

Du domaine des murmures

Folio

225 pages, 6,50 €

9782070450497

 

En 1187, le jour de ses noces, une belle jeune fille de quinze ans, Esclarmonde, refuse son promis, devant l’assistance médusée. Sachant qu’un tel affront ne lui sera pas pardonné, elle demande à être emmurée vive dans une cellule attenante à une chapelle dédiée à sainte Agnès, que l’on construira avec l’argent de sa dot. Contrairement à ce qu’elle avait imaginé, une vie solitaire vouée à l’adoration du Christ, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle munie de barreaux, la recluse devient le pivot du domaine des Murmures et de ses habitants, une confidente, une conseillère, une presque sainte...

 

Après le succès de son premier livre (Le Cœur cousu, également paru en Folio), Carole Martinez passe brillamment l’épreuve du deuxième roman, moins « baroque », plus concis, mais tout aussi passionnant.

Basé notamment sur les légendes franc-comtoises de la Vouivre et du cheval Gauvin, ce conte aux personnages complexes, faits de chair et de rêves, façonnés par le temps et ses vicissitudes, aborde des thèmes intemporels : la foi, le doute, le dénuement, le renoncement, mais aussi le sort des femmes, le désir, l’amour maternel ou la folie.

 Sarah et Marie-Hélène

Alexis Jenni

L’Art français de la guerre

Folio 

775 pages, 9,60 €

9782070450398

 

« La France se dit avec une lettre mal faite […]. On a du mal à prononcer le mot, la grandeur emphatique du début empêche de moduler correctement le peuple de minuscules qui la suit. Le grand F expire, le reste du mot se respire mal, comment parler encore ? » Ce sont cinquante années de l’histoire de la France engagée, de son implication militaire en toute partie du globe qui se déroulent au fil des souvenirs de Salagnon, un vétéran. Il la raconte, il se raconte au narrateur qu’il vient de rencontrer. Mais Salagnon, c’est aussi un artiste et c’est au travers de son art, le dessin que le narrateur lui demande de lui enseigner, qu’il se révèle : le regard qu’il porte au monde en est empreint – philosophique : « Regarde comme c’est bien fait, le monde, quand on le laisse faire. Et regarde comme c’est fragile. » « Dans le dessin, les traits les plus importants sont ceux qu’on ne fait pas. […] Le dessin est constitué de vides habilement disposés, il existe surtout par cette circulation du regard en lui-même. »

Mais bien plus qu’un simple récit ou qu’une énonciation de faits historiques, Alexis Jenni invite à la réflexion dans ce premier roman à l’écriture fine et riche. Le texte est dense, fouillé, ciselé… Sa construction fait écho à la France telle qu’elle a été construite, organisée militairement, politiquement et socialement.

Marie-Hélène

Emma Donoghue

Room

traduit de l’anglais (Canada) par Virginie Buhl

LGF, coll. « Le Livre de poche»

453 pages, 7,60 €

9782253167303

 

Les journées de Jack qui vient de fêter son cinquième anniversaire sont ponctuées de jeux autour de Madame Table, de Monsieur Lit… de moments passés devant Madame Télé et ses images d’un monde irréel. Le soir venu, sa mère et lui guettent et redoutent le bip-bip de Madame Porte et la venue de Grand Méchant Nick. À cinq ans, on est grand, on peut devenir un superhéros, celui de sa maman. Elle a bien essayé ces sept dernières années de s’échapper… l’enfant non désiré, finalement tant attendu, est arrivé, elle l’a éduqué comme elle a pu mais il est temps que leur huis clos prenne fin, que Jack s’ouvre au monde, que tous deux cessent de survivre et qu’ils vivent enfin. Au fil de son récit, dans un langage qui lui est propre (mots-valises, maladresses), Jack décortique ce que sa mère tente de lui faire comprendre : il y a un Dehors, un Ailleurs, des Autres ; ils sont les prisonniers d’un univers qu’on leur a imposé.

En finir avec la captivité ne se résume pas à ouvrir la porte, Jack n’a aucun repère hormis ceux des neuf mètres carrés – la Chambre – dans lesquels il est né et a vécu. S’il est avancé sur les plans du langage, oral et écrit, la confrontation avec le monde réel (jusqu’aux éléments qui le composent :eau, air, feu, terre), mais aussi ses leurres, pourrait s’avérer un véritable défi : « Quand j’avais quatre ans, je croyais que tout dans Madame Télé existait juste à la télé ; après j’ai eu cinq ans et Maman m’a dit qu’en vrai plein d’images montraient vraiment des choses et que tout le Dehors existait pour de vrai. Sauf que maintenant, je suis dans le Dehors mais il y en a plein des pas vraiment vrais. »

Marie-Hélène

Donald Ray Pollock

Knockemstiff

traduit de l'américain par Philippe Garnier

Libretto

245 pages, 9,10 €

9782752908773

 

Ce ne sont que des nouvelles mais de l’une à l’autre on retrouve des personnages déjà croisés, êtres miséreux, en dérive. Fresque sociale d’une Amérique, bien loin des paradis artificiels ou de l’imagerie idéalisée, et d'un hameau isolé dont les habitants, même lorsqu'ils le tentent, n'arrivent pas à s'extraire… Un texte dur mais, malgré la noirceur, on se prend à vouloir poursuivre, en quête d’optimisme peut-être.

Marie-Hélène et Frédéric

Joyce Carol Oates

J’ai réussi à rester en vie

traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban

Points

529 pages, 8,30 €

9782757821589

 

18 février 2008, Joyce Smith est contrainte d’adopter brutalement le statut de veuve. Entre la bienséance exigée (depuis les devoirs qui incombent à sa situation jusqu’aux sentiments qui lui sont d’emblée prêtés) et ses propres aspirations, la Veuve balance, encline à céder au Basilic, effondrée par ce vide qui l’habite. Intimement, tout lui susurre, tout la conduit à entasser les gélules et comprimés, à souhaiter que la voiture dérape… à fuir la communauté des hommes, ne cherchant qu’à maintenir son état de solitude. Et, dans un même temps, remettre, repousser et trouver un soulagement (à fuir ?) dans la reprise de ses activités professionnelles : Joyce Smith s’efface – et vit – derrière l’écrivain de renom Joyce Carol Smith, que tous sollicitent, invitent, écoutent, félicitent. J. C. Smith signe ici un récit sans rapport aucun avec les thèmes, le style qu’on lui connaît de sa fiction. Ici, dans ce paradoxe « Smith », ambiguïté même de sa personnalité, elle dresse sa propre chronique, lucide, non sans humour, non sans abattement, celle d’une femme accablée de chagrin. C’est aussi l’histoire d’un amour, l’histoire d’une passion.

Marie-Hélène

Mikhaïl Boulgakov

Cœur de chien

Traduit du russe par M. Roman

Éditions Sillage

160 pages, 10,50 €

9791091896016

 

Chien errant, il arpente chaque jour les rues moscovites à la recherche d’abri et de pitance. Sans être doué d’une intelligence particulière, il a su déchiffrer son environnement, les enseignes des échoppes ont pris leur sens, et il sait apprécier les intentions des êtres qu’il rencontre. Ce jour-là cependant la faim qui le tiraille, la bonne mine apparente de l’homme qui l’appelle…, il cède et suit. Une nouvelle vie s’offre à lui, un toit, de la nourriture à profusion, des maîtres : Filipp Filippovitch, même s’il ne parvient à saisir le rôle ni la profession, qui ne cesse de recevoir des gens et se fait servir, et Bormenthal, tout aussi singulier. Lieu surprenant, sept pièces dans un immeuble, fort convoitées par le camarade Schwonder et ses acolytes. Bouboule a fait siens ce confort, l’agressivité de ses congénères qu’il ne croise plus que rarement, lui maintenu en laisse, et ce luxe. Mais le professeur Filippovitch a ses desseins ; médecin et chercheur émérite, il attend le bon moment. Bouboule après passage sous son bistouri marque sans conteste une victoire pour la Science, à quel prix ? Les résultats vont au-delà des attentes et se font difficiles à gérer. Une farce qui se prêterait volontiers à une adaptation théâtrale, huis clos où la lutte des classes est mise en avant et qui fut censuré à sa sortie (1925). Le texte fut interdit de publication, les manuscrits saisis ; révélé aux lecteurs à partir de 1968… à Munich, puis en France avant d’être édité en 1987 seulement à Moscou.

Marie-Hélène

Jón Kalman Stefánsson

La Tristesse des anges

traduit de l’islandais par Éric Boury

Folio

415 pages, 7,50 €

9782070450374

 

Sélection européenne Prix Page des Libraires 2011

 

Soudé à son cheval par le gel et incapable de s’en détacher sans aide, Jens le postier débarque, en pleine tempête de neige, chez Kolbeinn, un vieux capitaine aveugle, Helga et le gamin. Après s’être retapé, Jens est contraint d’accepter une tournée dans le Nord, « là où l’Islande prend fin pour laisser place à l’éternel hiver ». Il part donc pour ce nouveau périple, accompagné cette fois par le gamin.

Entre ces deux personnages antinomiques au passé meurtri — Jens le taiseux et le gamin qui parle, questionne et réfléchit trop —, naît peu à peu une indicible amitié, obligés qu’ils sont de s’ancrer l’un à l’autre pour survivre dans cet enfer blanc. Car il s’agit bien sûr de lutter férocement pour la vie, mais aussi contre la tentation consolatrice de laisser « la tristesse des anges » (la neige) « s’accumuler sur soi » et « dormir jusqu’à ce que les rêves deviennent un ciel »...

Dans une langue éblouissante d’où surgissent des images d’une rare poésie, Stefánsson nous offre ici un roman initiatique stupéfiant (le second publié en France, après Entre ciel et terre, paru en Folio).

Un chef-d'œuvre à lire au cœur de l’hiver, au coin du feu, avec une boisson chaude de votre choix. Alors, peut-être, entendrez-vous « les poissons soupirer au fond de la mer »...

Sarah, Marie-Hélène et Frédéric

Emmanuel Dongala

Photo de groupe au bord du fleuve

Actes Sud, coll. « Babel »

448 pages, 10 €

9782330012991

 

Méréana, toujours sous le choc du décès de sa jeune sœur contaminée par le virus du sida (mari volage…), a le culot de demander à son propre époux, Tito, de se protéger avant d’obéir à son devoir conjugal. Le couple se déchire et finit par se séparer. Elle prend en charge les enfants, les leurs et leur nièce ; changement de style de vie, elle avait sacrifié ses études pour la carrière politique de son époux, c’est à elle à présent d’assumer et elle rejoint le groupe de casseuses de blocs de pierre. D’ordinaire, lorsque Méré s’éveille, le jour qui pointe ressemble à celui de la veille. Mais pas ce matin-là. Elle le sent. Quand Méré gagne la carrière le long du fleuve, elle a conscience d’une injustice et en informe ses collègues. D’abord simple revendication salariale, la demande insistante de ces quelques femmes se généralise ; elles font face, soudées, et chacune se révèle, s’impose… Ce sont alors discussions, manifestations, pourparlers avec les membres du pouvoir. La voix des femmes africaines se fait entendre, Emmanuel Dongala la leur donne (ou la leur emprunte) et son écriture se prête au jeu du langage parlé, dans la simplicité.

Marie-Hélène

 

Raymond Carver

Débutants

traduit de l’anglais par Jacqueline Huet et Jean-Pierre Carasso

Points, coll. « Signature »

369 pages, 9,70 €

9782757832172

 

Description séche et implacable du couple et de sa déliquescence, du moment, indiscernable, où l’amour, qui a bien dû exister au début, s’efface et devient colère, ressentiment, violence ou silence.

Débutants est la publication, dans la version non remaniée par l’éditeur, de nouvelles, dont les dialogues et les situations sont d’une précision, d’une cruauté, mais aussi d’une humanité bouleversantes. Parlez-moi d’amour, livre qui regroupe les mêmes nouvelles dans la version de l’éditeur, est publié simultanément.

Frédéric

 

Grossman David

Une femme fuyant l'annonce

traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen

Points

720 Pages, 8,90

97822757830413

 

Ora, que son mari Ilan et leur aîné fils Adam viennent de quitter, accompagne son fils cadet Ofer lors de son départ avec l’armée israélienne lors d’une opération militaire dans les territoires occupés. A son retour à la maison, alors qu’elle avait prévu de randonner avec Ofer dans les montagnes de la Galilée, anxieuse à l’idée de recevoir l’annonce de sa mort, elle pense conjurer le sort en accomplissant cette marche avec Avram, l’ami, l’amant qu’elle na pas revu depuis plusieurs années et à qui elle va pouvoir raconter sa vie.

Extraordinaire portrait de femme, d’amante, d’épouse et de mère, dont la parole précipitée, jaillissante, les souvenirs émus, tentent de protéger son fils mais traduisent également le désarroi et la douleur face aux transformations que la guerre inflige aux hommes.

Frédéric

Christian Oster

Rouler

Points

160 pages, 6,30 €

9782757829974

 

Sélection française Prix Page des Libraires 2011

 

 

« J’ai pris le volant un jour d’été, à treize heures trente. »

Ainsi commence l’errance volontaire d’un homme, qui quitte Paris et roule vers le sud, en direction non d’une ville, mais d’un mot : Marseille. Autant vous prévenir, il ne se passera rien. Tout juste apprendrons-nous au détour d’une page le prénom du narrateur et les raisons de sa fuite. Nous voilà donc embarqués avec lui — disons qu’il nous tolère, l’homme est un peu misanthrope ! —, à suivre les méandres de sa géographie approximative, la vacuité de ses pensées, la dérive de ses sentiments, le hasard de ses rencontres... jusqu’à ce que, « dans une sorte de brume mentale», se profile une raison d’être au monde.

Tout, dans cet étrange voyage, n’est qu’indécision, imprécisions, contradictions. Là réside le talent de l’auteur : immerger ses personnages, et partant le lecteur, dans le flou avec une précision d’entomologiste. On retrouve avec bonheur l’acuité du regard, l’obsession du détail, l’incongruité et la drôlerie qui caractérisent le style inimitable de Christian Oster (auteur, entre autres, de Mon grand appartement et Une femme de ménage, tous deux parus en format poche chez Minuit).

Sarah, Marie-Hélène et Frédéric

Shumona Sinha

Assommons les pauvres !

Points

148 pages, 5,70 €

9782757829981

 

 

Tous les jours, la narratrice issue d’un sous-continent franchit les barbelés invisibles de la Ville lumière et atteint cette zone périphérique, les bureaux de l’administration, où elle a trouvé une place d’interprète. Tous les jours, le même scénario : un agencement de mots exposant, composées et travaillées, les histoires de la misère des demandeurs d’asile qu’elle a pour rôle de traduire. Des récits qu’elle pourrait devancer mais qu’elle tente de maintenir à distance : lutter contre la compassion ; se vouloir professionnelle ; nier ses racines et son propre passé sans cesse rappelés. Mais cette violence la pénètre au quotidien, sa cuirasse s’effrite. Une nuit dans le métro, tout à son avenir et à son intégration, elle cède et agresse à coups de bouteille un homme déjà rencontré, entendu et refoulé. Ce sont les raisons de son acte qu’elle explore, interrogée au commissariat. Un texte déroutant et cynique sur la migration qui présente, outre la reprise du poème de Baudelaire (« Assommons les pauvres », Petits Poèmes en prose), la description faussement décousue de tout un système administratif, acteurs et rouages, et qui laisse « dans un état d’esprit avoisinant le vertige ou la stupidité ».

Marie-Hélène

 

Richard Russo

Les Sortilèges du Cap Cod

traduit de l'américain par Céline Leroy

10-18

326 pages, 8,40 €

9782264053497

 

Les thèmes de la famille et du couple mais avec humour (plutôt grinçant) et émotion (pas mal de « fantômes »). À l’occasion d’un mariage, un week-end amoureux au cap Cod sonne le glas d’un couple qui se retrouvera au même endroit pour les mêmes circonstances (mais celui de leur propre fille), la reviviscence en plus.

Marie-Hélène

Tiziano Scarpa

Stabat Mater

traduit de l’italien par Dominique Vittoz

Le Livre de poche

161 pages, 6,10 €

9782253164357

 

 

 

Venise, xviiie siècle, les pensionnaires de l’orphelinat de l’hospice de la Pietà sont destinées à la musique : dès leur plus jeune âge, les fillettes sont confiées à un vieil abbé, à son professorat besogneux et ses partitions flétries ; l’orchestre est toutefois réputé pour sa maîtrise, la vertu affichée (elles y jouent ou chantent voilées et à l’abri du regard des spectateurs), et les concerts, source de revenus et de maris potentiels.

 

Les quinze premières années de Cecilia, jeune fille tourmentée par l’absente – qu’elle cherche, interpelle, à qui elle écrit, hallucinée, chaque nuit au détour d’un escalier –, sont marquées par l’éducation stricte et confinée délivrée par les sœurs et par cette initiation musicale. Son seul réconfort dans cet univers où l’altérité, la connaissance du monde et de soi-même sont malvenues est d’avoir développé un talent d’instrumentiste. Elle a seize ans lorsque don Antonio, un jeune prêtre, prend l’orchestre en charge. Il lui communique sa passion, terme qu’elle apprend à définir, et lui ouvre la voie, celle de la liberté. Ce roman – pure fiction – est un bel hommage, inspiré, à la musique, à Vivaldi et aux interprètes en particulier.

 

Marie-Hélène

 

Lyonel Trouillot

Thérèse en mille morceaux

Actes Sud, coll. « Babel »

128 pages, 6,50 €

9782330010591

 

Thérèse a vingt-six ans lorsque la crise la submerge, aux prises avec son double. Un double qui la tyrannise de ses aspirations à une liberté notamment sexuelle alors que l’autre Thérèse a supporté la tyrannie de sa famille, climat faussement religieux, interdiction à tout va, enfermement, méconnaissance de l’environnement qui l’entoure, du monde dans lequel elle est supposée évoluer. Bridée, son double l’éveille, brise tous les repères qui l’ont douloureusement constituée, elle ressent le besoin de se nouer, de se « mettre en personne », c’est la naissance d’une individualité dans la dualité. Un beau roman, à l’écriture fine et poétique. Un roman à deux voix en forme de témoignage un cahier que rédigent Thérèse et son double.

Marie-Hélène

Iain Levison

Arrêtez-moi là !

traduit de l’anglais par Fanchita Gonzalez Batlle

Liana Levi, coll. "Piccolo"

245 pages, 9,50

9782867465963

 

Parce qu’il a commis deux actes bénins suspects (laisser ses empreintes sur la fenêtre d’une cliente et nettoyer soigneusement son véhicule après qu’une passagère y ait été malade), un modeste chauffeur de taxi est suspecté d’un crime d’enfant et se retrouve dans le couloir de la mort, suite à l’enquête baclée d’un inspecteur satisfait et à une défense assurée par un avocat apathique.

La description de cette erreur  judiciaire et de ses conséquences est d’autant plus marquante et glaçante qu’elle est décrite avec humour, résignation et lucidité. Et reste amère même lorsque l’on pense pouvoir se réjouir.

Frédéric

Kate O’Riordan

Un autre amour

traduit  de l'anglais (Irlande) par Florence Lévy-Paolini

Folio

346 pages, 6,95 €

9782070446254

 

Ce pourrait être une simple remise en question du couple, le désespoir de l’un, la culpabilité de l’autre mais l’auteur nous emmène bien plus loin dans la réflexion. Les rôles s’inversent, des voix s’élèvent, les personnages annexes prennent de l’ampleur. L’« autre » est un être, et l’amour, certainement pas ce que l’on croit.

Marie-Hélène, Sarah et Frédéric

Audur Ava Olafsdottir

Rosa Candida

traduit de l'islandais par Catherine Eyjólfsson

Points

332 pages, 7,60 €

9782757822593

Prix Page des Librairies 2010, sélection européenne 

 

Sans doute le petit plaisir de la rentrée, rafraîchissant et optimiste (chose rare ces derniers temps). Le décès brutal de sa mère pousse un jeune homme singulier et attachant à partir pour un pays jamais situé, jamais cité, hors du temps pour sauvegarder un jardin monial et une espèce de rose en particulier. S’engage alors un voyage initiatique.

 Marie-Hélène, Sarah et Frédéric 

Charles Portis

True Grit

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par John Doucette

J'ai lu

253 pages, 6,70

9782290034286

 

1870, Arkansas, la jeune Mattie Ross, franche et déterminée, veut venger son père assassiné et retrouver son meurtrier. Elle choisit un shérif borgne, ivrogne et ronchon, mais habile chasseur de bandits, pour mener cette poursuite à laquelle elle compte bien participer.

Ce roman a été adapté une première fois à l’écran par Henry Hathaway, interprété par John Wayne, et va l’être à nouveau par les frères Coen. Il est raconté comme souvenirs d’une Mattie Ross vieillissante et d’excellents dialogues portent cette chronique de l’Ouest en pleine mutation où les exécutions sont encore publiques, les souvenirs de la Guerre de Sécession très présents, d’anciens desperados nommés hommes de loi, mais où les jeunes filles instruites tiennent tête aux cow-boys.

Frédéric

Joyce Carol Oates

Petite sœur, mon amour

traduit de l’anglais (américain) par Claude Seban

Points

734 pages, 8,60

9782757823552

 

Dix ans plus tard, Skyler, retrace les circonstances, les événements, les souvenirs qui entourent le meurtre de sa jeune sœur, alors âgée de six ans et vedette locale de patinage artistique et relate les soupçons ayant porté sur son père, volage et ambitieux, sa mère, arriviste inconsciente et lui-même, mal-aimé et jaloux.

Portrait cruel et désespéré d’une famille et de la société américaines, décrivant des parents carriéristes, voulant parvenir à la notoriété, au sommet de l’échelle sociale, et brisant ainsi leurs enfants, psychologiquement et physiquement,  poussés et aidés en cela par les institutions, médicale, scolaire, médiatique ou religieuse.

Frédéric

Alan Bennett

La Mise à nu des époux Ransome

traduit de l'anglais par Pierre Ménard

Folio

117 pages, 4,20

9782070442379

 

Ouvrage antérieur à La Reine des lectrices. Humour anglais, situation rocambolesque sur le fond mais plus grave. Un couple bourgeois se trouve dépouillé le temps d’un spectacle de l’intégralité du contenu de son appartement : une mise à nu lucide de leur existence.

Marie-Hélène

Kenneth Cook

Le Vin de la colère divine

traduit de l’anglais (Australie) par Mireille Vignol

J’ai lu

185 pages, 5,70 €

9782290039618

 

Il reste au jeune narrateur de quoi tenir quelques semaines encore dans ce bar de Bangkok, hôtel et boisson, de quoi l’aider enfin à réfléchir, à se confesser… Alors jeune étudiant, formaté par vingt ans d’une éducation stricte aux valeurs chrétiennes et convaincu du bien fondé de sa décision, il s’engage dans l’armée pour lutter contre le communisme, mal qui gangrène le monde. Un an d’entraînement, prêt pour la guerre, il est expédié au Vietnam. Promiscuité, premières offensives, rencontres qu’il sait d’exception, la confrontation avec la mort et l’héroïsme, celui des autres,… la réalité n’ébranlera sa foi qu’en ce jour apocalyptique, celui de son dernier combat. « — Qui a dit que je n’étais pas fou ? […] Je dois penser à mon expiation. — Mais à quoi ça rime ? Personne n’en saura jamais rien. — Et pourquoi tu crois que je te raconte tout ça ? »

Marie-Hélène

Larry McMurtry

Texasville

Traduit de l’américain Josette Chicheportiche

Gallmeister, coll. Totem

555 pages, 11 €

9782351785140

 

Vingt-cinq ans après nous retrouvons Duane et Sonny, les personnages principaux de La Dernière séance. Duane, maintenant grand-père, est débordé par l’indiscipline et la vitalité de ses quatre enfants, ébranlé par les répliques implacables de son épouse, lassé des rencontres avec sa maîtresse et inquiet quant à l’avenir de son entreprise pétrolière. Sonny, maire de la ville, propriétaire de quelques petits commerces, ressent quelques problèmes de santé.

Humour des répliques et des situations, multiplicité des figures cocasses, quelques pointes d’émotion pour les personnages principaux tout en évoquant certains des travers américains, consommation et endettement inconséquents ou influence des religieux bornés : la chronique de cette bourgade du Texas à la veille de son centenaire est un véritable bonheur de lecture.

Frédéric

Larry McMurtry

La dernière séance

Traduit de l’américain par Simone Hilling

Gallmeister, coll. Totem

322 pages, 9,50

9782351785133

 

En 1951, dans une petite bourgade américaine, située en bordure du désert et du Mexique, deux jeunes hommes, au sortir du lycée, alternent parties de billards, boulots sur les plates-formes pétrolières, sorties au cinéma avec leurs amies, virées au Mexique.

Beaucoup de désenchantement et d’amertume dans ce portrait d’une Amérique soumise aux ambitions sociales, aux frustrations sexuelles et aux refoulements puritains, au désir de dominer ou de devenir une vedette adulée et admirée. Quelques moments d’humanité, d’amitié, de tendresse éclairent le récit, mais ces rares rencontres entre êtres solitaires sont toujours sous la menace d’être brisées par la guerre de Corée qui débute, la maladie, l’accident ou la pression sociale.

Frédéric

Ron Butlin

Le Son de ma voix

Traduit de l’anglais (Écosse) par Valérie Morlot

Quidam éditeur, coll. « In the pocket »

160 pages, 8 €

9782915018684

 

Tout dans la vie de Morris Magellan pourrait se résumer au mot « réussite » : il est doué et occupe un bon poste, la maison de famille est cossue, sa femme est aimante et compréhensive, le couple a deux enfants. Une vie confortable, il en a conscience. L’ombre est celle de l’alcool, la prise chronique et consciente qui s’accentue jour après jour, heure après heure… L’homme est rongé, il cherche à se fuir, à masquer l’angoisse qui le ronge, mais ses tentatives sont vaines et il le sait. La mise à distance qu’il pourrait imposer avec ce « tu » à la fois détaché et proche se fait mise à nu : les différentes expériences, les hallucinations, le nombre de verres, l’intime, le caché, la composition pour affronter l’inexorable… il plonge et le lecteur avec.

« Trente-quatre ans plus tôt, tu es né dans un petit océan et tu es venu au monde à sa plus grande marée […]. Ces jours-ci, cependant, tu vis instant après instant comme un homme qui se noie. Quand tu bois, tu arrêtes de lutter et glisses petit à petit au-dessous de la surface, descendant brasse après brasse. »

Marie-Hélène

David Vann

Sukkwan Island

Traduit de l’américain par Laura Derajinski

Gallmeister, coll. Totem

200 pages, 8,50

9782351785126

 

Un père, en rupture avec sa maîtresse, veut aller séjourner un an sur une île isolée de l’Alaska avec son jeune fils afin de tisser de nouveaux liens avec lui. Mais l’installation dans un milieu rude, inhospitalier pour les inconscients, va tourner au drame.

Poignante et saisissante description des désarrois d’un fils qui voit son père successivement s’exalter et désespérer et d’un père dont tous les rêves s’anéantissent et brisent.

Frédéric

Larry Watson

Montana 1948

Traduit de l’américain par Bertrand Péguillan

Gallmeister, coll. Totem

163 pages, 8,00 €

9782351785010

 

Le jeune David Hayden voit les membres de sa famille, assez influente dans une bourgade du Montana, s’opposer lors de la mise en cause de son oncle, médecin élégant et séducteur, accusé d’attouchements sur des Indiennes.

On ressent très profondément les sensations de l’enfant observant les affrontements dans sa famille, révélant un malaise ancien, diffus, mais déjà perçu. Il découvre les compromissions accordées, les efforts consentis pour assurer la cohésion familiale, mais aussi les luttes morales opposant intérêts du clan et sens de la Justice. Son émancipation passera par la dislocation du monde clos de son enfance.

Frédéric

Reif Larsen

L’extravagant voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Hannah Pascal

Le Livre de Poche

410 pages, 7,50

9782253159766

 

T.S. Spivet est un garçon prodige de douze ans, passionné par la cartographie et les illustrations scientifiques. En cachette de ses parents, un cow-boy taiseux et la Dr Clair, spécialiste des coléoptères, il doit se rendre à Washigton, et ainsi traverser seul les Etats-Unis, afin d’y donner une conférence dans un institut prestigieux.

Ce livre est une surprise. Carnet de bord de ce voyage, il est rempli, dans ses marges, de dessins, élaborés ou griffonnés, de tableaux, de diverses observations portant sur le comportement humain, le vol du sansonnet ou les feux de signalisation. Il est également un récit initiatique, de l’éveil au monde, à sa complexité et à ses trahisons, à ses rencontres improbables et enrichissantes, aux difficultés de la communication familiale. Le ton décalé, humoristique et émouvant, est séduisant, et le site internet www.tsspivet.com consacré au livre en illustre l’originalité.

Frédéric

Larry McMurtry

Lonesome Dove, en deux tomes

traduit de l’américain par Richard Crevier

Gallmeister, coll. Totem

567 pages, 11

9782351785072

 

D’anciens rangers saisis à nouveau du goût de l’aventure convoyant un troupeau du Texas au Montana, une prostituée tentant de rejoindre San Francisco, un shérif parti à la recherche d’un meurtrier avec son fils alors que sa femme repart sur les routes et suivi par son adjoint apeuré : tous ces personnages sont en mouvement à travers l’Ouest encore sauvage, rempli de promesses pour les plus jeunes, mais déjà désenchanté pour les plus lucides.

Vaste fresque épique, remplie de personnages pittoresques, de situations cocasses ou dramatiques, dont les dialogues alternent avec aisance, nonchalance, humour et sensibilité.

Frédéric

Gaëlle Josse

Les Heures silencieuses

J’ai lu

88 pages, 4,50 €

9782290039014

 

Dès le tableau reproduit sur la couverture de l’ouvrage, nous entrons de plain-pied dans la vie de Magdalena Van Beyeren, fille et épouse d’armateur, à Delft, au milieu du XVIIe siècle. Dans le silence de la nuit qui l’oppresse, elle confie à son journal, « triste réceptacle », ses souvenirs, ses angoisses, mais aussi ses joies et ses désirs enfouis.

Ne passez pas à côté de ce premier roman lumineux de Gaëlle Josse, petit miracle d’écriture, parfaitement maîtrisé.

Sarah

Fabio Geda

Pendant le reste du voyage, j’ai tiré sur les Indiens

traduit de l’italien par Augusta Nechtschein

Liana Levi, coll. « Piccolo »

272 pages, 10 €

9782867465697

 

Au décès de sa mère, Emil a dû quitter son enfance roumaine, heureuse, et émigrer clandestinement en Italie avec son père. Ce dernier est finalement pris avec de faux papiers et placé en camp de séjour temporaire ; à défaut d’autre solution, il abandonne son fils aux bons soins d’Assunta et à ceux d’un protecteur énigmatique, l’Architecte.

Qu’est-ce qui pousse cet adolescent mature et débrouillard à fuir Turin et à partir à la recherche de son farfelu de grand-père paternel qu’il ne connaît pas mais dont il reçoit chaque mois, où qu’il soit, des lettres ? Son périple transfrontalier (Berlin, Toulouse, Madrid) est l’occasion de rencontres (Lola & Co, Sebastiano, Raúl et sa clique…) et d’aventures dignes, à ses yeux, de celles de Tex Willer – « le cow-boy qui gagne toujours », son héros de BD désuet. Et Emil de penser : « Ce voyage, c’est comme aller à l’école. […] Ce voyage, c’est peut-être beaucoup mieux que d’aller à l’école. » Un récit à deux voix, la gouaille d’Emil alternant avec la pensée structurée de l’esthète Architecte, tendre, frais et gai.

Marie-Hélène

Pierre Gagnon

Mon vieux et moi

J’ai lu

92 pages, 4,50 €

9782290035603

 

Le narrateur, cadre de la fonction publique chargé de mettre en œuvre diverses aides, a pour seule famille une vieille tante agonisante qu’il visite en maison de retraite. Elle décède alors que lui-même prend sa retraite. La peur de s’ennuyer, la volonté d’aider réellement quelqu’un, la solitude et surtout la sympathie qu’il éprouve à l’égard de Léo, ce petit vieux de 99 ans et ami de feue sa tante, lui font prendre une décision inattendue et peut-être pas si raisonnable que ça. L’auteur porte un regard tendre et drôle sur la vieillesse, et nous invite sur un ton léger à l’aborder d’une façon à laquelle nous n’aurions pas pensé.

Un autre titre de cet auteur, son premier, 5-FU, Les 400 coups, 10 €, est à découvrir. Plus caustique, Pierre Gagnon fait sans concession le récit de ses six mois de chimiothérapie. Et il grave des mots que certainement la bienséance ne permettrait pas.

Marie-Hélène

Geneviève Brisac

Une année avec mon père

Points

179 pages, 6 €

9782757822760

 

L’approche de la mort, se préparer. Une forme de témoignage, d’expérience. Rien de gai, mais la vie, un ton juste sans pathos mais avec beaucoup de sensibilité.

Marie-Hélène

Eric Faye

Nagasaki

J’ai lu

94 pages, 5,20 €

9782290034408

 

« Clandestine depuis un an : Il s’étonnait de voir des aliments disparaître de sa cuisine : un quincagénaire célibataire des quartiers sud a installé une caméra et constaté qu’une inconnue déambulait chez lui en son absence. »

Inspirée de ce fait divers rapporté par plusieurs journaux japonais, voici l’histoire de M. Shimura, un homme ordinaire dont la vie bien réglée n’aurait pas dû donner prise à l’imprévu…

Avec ce court roman singulier, à la lisière de l’étrange, nous retrouvons l’écriture d’Eric Faye qui nous avait déjà impressionnés dans son recueil, Quelques nouvelles de l’homme (éd. Corti, 2009).

Sarah et Marie-Hélène

Joyce Maynard

Long week-end

traduit de l'anglais par Françoise Adelstein

10-18

251 pages, 7,50 €

9782264052698

 

Henry dresse, vingt ans après, son propre portrait : celui d’un adolescent de 13 ans dont la vie a basculé un fameux week-end caniculaire, dans un huis clos surprenant. Prise de conscience de ses relations avec ses parents divorcés, de son corps, de ses envies.

Marie-Hélène

Jeanne Benameur, Laver les ombres, Actes Sud, coll. « Babel », 6,50 

Jean-Louis Ezine, Les taiseux, Folio, 5,70

Pete Fromm

Indian Creek

Gallmeister, coll. Totem

240 pages, 9 €

9782351785027

 

L’auteur, alors étudiant sans réel projet, s’engage, sur un coup de tête et parce qu’il aime se perdre dans les forêts, comme garde d’hiver d’un bassin d’élevage de saumons, dans les montagnes entre Montana et Idaho. Il devra vivre, voire survivre, dans une tente, se chauffer, se nourrir, et aura tout le temps nécessaire pour  lire ou observer la nature en se promenant.

Nous sommes plongés avec l’auteur dans sept mois hivernaux, et contemplons avec lui les montagnes et l’éclairage féérique de la vallée sous une éclipse, craignons la neige, le froid, la débâcle soudaine de la rivière, redoutons le lynx et l’ours tout en suivant leurs traces, espérons les visites et maudissons les motos-neige, dépeçons un élan et observons les loutres. Tout en gardant du temps pour rêvasser .

Frédéric

B. Traven

Rosa Blanca

traduit de l’allemand par Charles Burghard

La Découverte, « Poche »

264 pages, 9,50 €

9782707165794

 

Un texte résolument moderne tant la tragédie dépeinte par Traven semble d’actualité. Il use de mots simples, de répétitions, d’ironie fine pour que son message passe bien. Les tenants et aboutissants de ce que l’on appelle une crise économique, des enjeux politico-commerciaux, et de la prédominance capitaliste sont ici analysés – pensés – avec justesse. Mexique, les années 1920, Hacinto Yanez est le propriétaire de La Rosa Blanca, la dernière hacienda à demeurer telle qu’elle a toujours été : la terre des ancêtres et des descendants à venir où l’on tient à maintenir les traditions, envers et contre tout, à lutter contre une modernisation excessive et incontrôlable. Seul territoire non encore acquis par la compagnie pétrolière américaine de Mr Collins, homme d’affaires de génie dont les besoins financiers personnels se trouvent accrus.

Marie-Hélène

Jim Harrison, Une odyssée américaine, J'ai Lu, 6,70 

Claude Lanzmann, Le Lièvre de Patagonie, Gallimard, Folio, 10,20 

Iain Levison

Trois hommes, deux chiens et une langouste

traduit de l’américain par Fanchita Gonzalez Batlle

Liana Levi, coll. « Piccolo »

265 pages, 10 €

9782867465604

 

Kevin, Doug et Mitch vivotent de petits boulots peu valorisants, et rêvent d’une autre vie, affalés devant la télé en fumant des joints, mais sans devoir affronter les repas conventionnels avec les voisins ou les réunions de parents d’élèves. Après un renvoi et un licenciement, ils vont tenter quelques larcins, vente sous le manteau de médicaments, vol de voiture, et enfin, le gros coup … Mais leur préparation a quelques lacunes.

Récit très drôle, par ses dialogues et ses situations, mais également sensible dans la description de la relation entre ces jeunes hommes, leur amitié, leurs difficultés à s’insérer dans le jeu social, leurs contradictions et leurs remords. Si l’ambiance et les réparties s’apparentent à certains films des frères Coen, l’arrière-plan social suggéré est bien plus prégnant.

Frédéric

Katarina Mazetti

Le Mec de la tombe d’à côté

traduit du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus

Actes Sud, coll. « Babel »

253 pages, 7,50 €

9782742771905

 

J’avais soutenu ce texte dès sa parution en France en 2006, le bouche-à-oreille a fait le reste. Un texte « tout public », très plaisant, dans le style d’Anna Gavalda. Cette belle et surprenante rencontre de la bibliothécaire et de l’agriculteur a été adaptée pour le théâtre. Je n’ai pas vu la pièce mais les critiques sont bonnes, très bonnes… à surveiller car elle va être rejouée sur Paris.

Marie-Hélène

Vladimir Nabokov, Brisure à senestre, Folio, 5

Mary Ann Shaffer & Annie Barrows, Le Cercle littéraire des amateurs d’épluchure de patates, 10|18, 8,60

Mario Vargas LLosa 

Les Chiots

traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan

Gallimard, « Folio »

84 pages, 2 €

9782070425549

 

Réédition de ce court texte à l’occasion de la promotion « prix Nobel 2010 ». Cuéllar se distingue à son arrivée par son éducation mais il rejoint rapidement les Chiots, ces jeunes garçons de la banlieue de Lima qui cherchent par tous les moyens à s’affirmer. Leurs jeux sont turbulents voire dangereux, Cuéllar en subit les conséquences et est affublé d’un surnom qui marquera sa vie : Petit-Zizi. Et l’on suit ces jeunes dans leur accession à l’âge adulte où différences s’accentuent, l’intransigeance gagnant.

 Marie-Hélène

Martin Winckler, Le choeur des femmes, Folio, 8,90