Littérature

Jeanne Benameur
Otages intimes
Actes Sud,
191 pages, 18,80 €
9782330053116
Il est des livres qui, la dernière page tournée, laissent le lecteur pantelant, silencieux, comme s’il lui fallait se remettre de sa lecture,
capitaliser et dans le même temps canaliser ses émotions.
« Orages intimes », de Jeanne Benameur, est pour moi un de ceux-là. Pour ce qu’il m’en souvient, chacun des romans de cet auteur m’a bouleversée ; celui-ci ne fait pas exception à la
règle.
Jeanne Benameur y fait dire à un de ses personnages « Je ne suis pas une combattante mais je fais ce que je peux pour que la beauté arrive enfin au monde. ». Nul ne doute que l’auteur s’approprie ces propos et les efforts qu’elle déploie ne sont pas vains.
A l’heure du terrorisme, des attentats et d’une guerre fratricide, Jeanne Benameur parvient à nous faire vivre de l’intérieur les terreurs des otages et leurs difficultés à se réadapter au monde qui était le leur avant la réclusion. « Les atrocités vues dans le monde vous prennent une part de vous.»
Bourreaux ou victimes, nul n’échappe à l’analyse poussée qu’elle échafaude de leurs pensées et de leurs agissements.
Malgré la noirceur du sujet, ce livre se veut un message d’espoir et de résilience : « Il faut inventer le visage neuf des jours neufs ». Le personnage principal du récit, photographe de guerre, qu’une période d’enfermement aura fortement déstabilisé au sein d’un pays soumis au chaos, trouvera la question à ses réponses auprès des siens, au creux d’une nature sauvage mais apaisante. D’autres zones d’ombre de son passé lui seront aussi révélées. Il comprendra qu’otage, il l’était déjà au fond de lui-même, depuis son enfance, et qu’il lui appartenait de se délivrer. Jeanne Benameur conclut : « Il sait maintenant qu’il n’aura pas assez de tous ses jours et de toutes ses nuits pour aller chercher dans le monde de quoi nourrir l’espérance.»
Je cite : « C’est un livre aux phrases courtes, simples. Enzo disait que cet homme travaillait les mots comme lui, le bois. Il devait les sentir d’abord, savoir bien d’où ils venaient, suivre leur trajet à l’intérieur de lui-même avant de les écrire sur le papier. » N’est-ce pas là tout le talent de Jeanne Benameur ? Offrir un livre aux mots soigneusement choisis, livre charnel, doux et cruel à la fois, qui laisse le lecteur respirer et assimiler chaque phrase, la digérer doucement. Le lecteur peut ainsi s’approcher au plus près des sensations et des sentiments évoqués, tout en effectuant un retour sur lui-même, afin mieux se connaître au travers des personnages du roman.
Chez Jeanne Benameur, le pouvoir des mots et des silences prend tout son sens.
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Yan Lianke
Les jours, les mois, les années
traduit du chinois par Brigitte Guilbaud
Philippe Picquier
124 pages, 13,20 €
9782809700961
Une terrible sécheresse contraint la population d'un petit village de montagne à fuir vers des contrées plus clémentes. Incapable de marcher des jours durant, un vieil homme demeure, en compagnie d'un chien aveugle, à veiller sur un unique pied de maïs. Dès lors, pour l'aïeul comme pour la bête, chaque jour vécu sera une victoire sur la mort.
Ce livre est d'une force et d'une beauté à la mesure du paysage aride, de cette plaine couronnée de montagnes dénudées où flamboie un soleil omniprésent. Le roman de Yan Lianke est un hymne à la vie. La fragilité et la puissance de la vie, et la volonté obstinée de l'homme de la faire germer, de l'entretenir, d'en assurer la transmission. C'est un acte de foi, aux confins du conte et du chant, à la langue entêtante, comme jaillie de la nuit des temps ou des profondeurs les plus intimes de l'être.
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Sofi Oksanen
Purge
traduit du finnois par Sébastien Cagnoli
Le Livre de poche
429 pages, 7,60 €
9782253161899
Pourquoi la vieille Aliide se terre-t-elle, en 1992, au fin fond de la campagne estonienne ? Quel rôle va jouer auprès d’elle cette jeune Zara venue d’on ne sait où ? Quel lien les relie à travers le temps et l’Histoire ? Outre l'intérêt historique (étayé par une chronologie et une carte détaillées), le plaisir du lecteur est grand devant la maîtrise du récit et la gestion d’un suspens jamais gratuit. Le décloisonnement des périodes ne donne pas forcément une lecture aisée mais ajoute à la recherche d’une vérité qui n'est dévoilée que par petites touches. Quant à la fin, quelle trouvaille de la part de l'auteur!
Il est vrai que ce n'est pas un livre facile, il ne laisse pas insensible, le ton est lourd et amer ; certaines scènes frappent par leur côté très cru, mais quelle force d'évocation dans ce roman qui, tout en informant le lecteur sur une période trouble, se dévore comme un excellent polar. Un livre à conseiller, un auteur à suivre...
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Joël Dicker
La vérité sur l’affaire Harry Quebert
Ed. de Fallois
669 pages, 22 €
9782877068161
New York, au printemps 2008, alors que l’Amérique bruisse des prémices de l’élection présidentielle, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès, est dans la tourmente : il est incapable d’écrire le nouveau roman qu’il doit remettre à son éditeur d’ici quelques mois. Le délai est près d’expirer quand soudain tout bascule pour lui : son ami et ancien professeur d’université, Harry Quebert, l’un des écrivains les plus respectés du pays, est rattrapé par son passé et se retrouve accusé d’avoir assassiné, en 1975, Nola Kellergan, une jeune fille de 15 ans, avec qui il aurait eu une liaison. Convaincu de l’innocence de Harry, Marcus abandonne tout pour se rendre dans le New Hampshire et mener son enquête. Il est rapidement dépassé par les événements : l’enquête s’enfonce et il fait l’objet de menaces. Pour innocenter Harry et sauver sa carrière d’écrivain, il doit absolument répondre à trois questions : Qui a tué Nola Kellergan ? Que s’est-il passé dans le New Hampshire à l’été 1975? Et comment écrit-on un roman à succès ?
Sous ses airs de thriller à l’américaine, La Vérité sur l’Affaire Harry Quebert est une réflexion sur l’Amérique, sur les travers de la société moderne, sur la littérature, sur la justice et sur les médias.
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Denis Diderot
Lettres à Sophie Volland
Folio
405 pages, 9,90 €
9782070375479
Enthousiaste et passionné, infatigable et d’une insatiable curiosité, Denis Diderot, se sert de la correspondance clandestine qu’il lui adresse pour entraîner « sa Sophie», « homme ou femme quand
il lui plait »,dans une impressionnante promenade de la pensée. Séduit par la franchise, l’esprit ouvert et cultivé, la sincérité de Sophie Volland, Denis ne tarit pas d’éloges remarquables à son égard. Déployant une verve amoureuse hors du commun et l’invitant sans cesse à « regarder », il ambitionne de lui apprendre à voir pour mieux « le » voir. « Regardez au-dedans de vous-même. Voyez vous bien, voyez combien vous êtes digne d’être aimée, et connaissez combien je vous aime »
« Chemin faisant », les deux amants, contraints à de longues séparations, se glissent pendant plus de vingt ans, dans une « liaison douce » prélude à une indéfectible amitié. Lettres d’amour, causeries à bâtons rompus, récits d‘authentiques promenades, de débats mondains ou de tracas domestiques, gazette politique ou culturelle, journal intime, simples confidences... les épîtres de Denis constituent un dialogue à une voix où Sophie, son Aspasie, instille sa fraîcheur de pensée dans l’élaboration de réflexions philosophiques souvent audacieuses et « venues comme elles nous viennent lorsque notre esprit abandonné à lui-même se promène en sautillant sur les choses possibles.
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Tracy Chevalier
Prodigieuses créatures
traduit de l'américain par Anouk Neuhoff
Folio
421 pages, 8,20 €
9782070442546
Mary Anning, fillette de 11 ans, de condition très modeste, va découvrir son premier grand fossile en 1811 : un crocodile en réalité un <ichtyosaure>. Elle se passionnera pour ces recherches avec l’aide de
Miss Philpot installée récemment à Lyme Régis sur la côte Ouest du Dorset avec ses deux sœurs.
Par ce récit de Mary et d’Elizabeth en alternance, nous découvrons leur complicité et leur caractère bien trempé, mais aussi leur solide amitié qui sera parfois bousculée par quelques heurts et jalousies. Toutes deux affrontent avec audace la communauté scientifique exclusivement masculine. Celle-ci ne prend pas les femmes au sérieux et minimise les découvertes de Mary Anning. Les fossiles constituent le gagne pain de sa famille très pauvre. Bientôt Mary se posera des questions au sujet de la Création et en parlera
autour d’elle.
Tracy Chevalier sait nous tenir en haleine par des rebondissements nombreux, dans un style agréable et
imagé. Elle nous plonge dans l’ambiance anglaise du début du 19°siècle, dans une petite ville de province au climat froid, humide et venté. Ce roman autour de l’histoire vraie de ces deux femmes est passionnant et enrichissant.
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Hermann Hesse
Siddhartha
traduit de l'allemand par Joseph Delage
Le Livre de poche
157 pages, 3,60 €
9782253008484
Siddhartha, fils de brahmane, est un jeune homme admiré par tous pour son intelligence et sa sagesse. Mais éternel insatisfait, il est à la recherche constante de son "moi". Il va donc rompre les amarres et chercher sa propre voie. Il quitte la vie brahmanique pour devenir un Samana, un pèlerin qui vit dans les bois dans une extrême pauvreté et pratique le jeûne. Il comprend peu à peu qu'il s'éloigne de lui-même et entend parler d'un sage, le dénommé Gotama, le futur Bouddha. Il le rencontre et écoute sa doctrine ; bien qu'il soit émerveillé, il se refuse à suivre toute doctrine, toute loi d'un maître. Il va donc poursuivre sa route et découvrir la vraie vie, le Samsara, auprès de la belle Kamala et du marchand Kamaswani.
Les richesses qu'il acquiert en font un homme neuf, matérialiste, riche et puissant, dont le personnage finit par lui déplaire. Il quitte la ville et va retrouver un vieux passeur au bord du fleuve. C'est là que s'accomplit l'ultime phase du cycle de son évolution et qu'il trouve la sagesse.
Voici l'exemple le plus parfait d'un conte philosophique et initiatique : Siddhartha rejette toute influence extérieure pour trouver son âme, car c'est en lui-même qu'il doit trouver l'illumination et non en la connaissance. Rien ne se transmet, tout se ressent, se vit. Le livre est inspiré de la vie du Bouddha historique Siddhartha Gautama, fondateur du bouddhisme, qui vécut au cours du Vie siècle av. J.-C.
Dans le cadre d'une Inde recréée à merveille, écrit dans un style d'une rare maîtrise, Siddhartha, roman d'une initiation, est un des plus grands de Hermann Hesse, prix Nobel de littérature.
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Haruki Murakami
Le Passage de la nuit
traduit du japonais par Hélène Morita
10-18
229 pages, 7,50 €
9782264046857
Deux mondes parallèles qui se chevauchent, peut-être plus. Un réel et une autre réalité. Onirique ? Depuis le survol d’un œil de caméra descendant sur la ville de Tokyo, deux vies parallèles se gardent de trop de proximité : elles sont sœurs. L’une veille dans la nuit tentaculaire et somnambule de la ville. L’autre dort sans discontinuer depuis des jours. L’une des situations est-elle la cause de l’autre? Mari lit un gros bouquin à la table d’un magasin de restauration rapide. Sa sœur, Eri, dort, rêve peut-être, belle au bois dormant. Une télé se met en marche, débranchée. Quelqu’un l’observe, gardien bienveillant ou pas ? Des miroirs conservent des reflets. Regard voyeur de la caméra captant des scènes ambiguës, à la limite du fantastique, que l’auteur décrit, détaché. Les chapitres sont scandés par des pendules montrant le passage lent de la nuit vers l’aube et la lumière. Takahashi, un musicien reconnaît Mari et vient discuter à sa table. Puis c’est la gérante d’un love hôtel au nom d’Alphaville qui lui demande de l’aide. Une prostituée chinoise a été frappée par un client. Plus tard Mari nourrit des chats dans un square avec le musicien. Elle croise une femme de ménage pourchassée dans tout le Japon. De fil en aiguille, nous cousons des bouts d’histoire entre des gens que le passage de la nuit relie, patchwork d’existences en quête de jours autres. Du Robbe-Grillet filtre dans le regard clinicien des personnages. Beaucoup de solitude dans ces lieux modernes, déshumanisés, lumineux et opaques. Lieux que ne renierait pas Godard. La musique de jazz est une lumière dans la nuit...
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Colum McCann
Et que le vaste monde poursuive sa course folle
traduit de l'anglais par Jean-Luc Piningre
10-18
475 pages, 8,80 €
9782264052179
Le 7 août 1974, un funambule évolue sur un câble tendu entre les deux tours du World Trade Center.
Autour de cet évènement extraordinaire, plusieurs destins ordinaires vont se mêler. Ce sera d’abord celui de Ciaran, jeune immigré irlandais qui débarque à New York pour retrouver son frère John Andrew dit Corrigan. Ce dernier appartient à un ordre religieux et vit au milieu des quartiers pauvres de la ville. On y croise aussi Tillie et sa fille Jazzlyn, prostituées du Bronx, Gloria, noire originaire du Missouri, qui a perdu ses 3 garçons dans la guerre du Vietnam, Claire, riche bourgeoise de Park Avenue et son époux le juge Soderberg ou encore un couple d’artistes hippies.
Leurs voix s’entremêlent pour restituer l’effervescence d’une époque. « Et que le vaste monde poursuive sa course folle » est un roman vibrant et poignant, témoignant de l’histoire d’un monde qui n’en finit pas de se relever.
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Henning Mankel
Les chaussures italiennes
traduit du suédois par Anna Gibson
Points
372 pages, 7,60 €
9782757821626
A 66 ans Fredrik Welin vit reclus depuis 12ans sur une île suédoise de la Baltique avec pour seule compagnie une chatte et une chienne et pour seules visites, celles du facteur de l’archipel.
Depuis qu’une tragique erreur a brisé sa carrière de chirurgien, il s’est isolé des hommes. Il mène une vie monotone et grise Consignant dans son journal le temps qu’il fait et la direction du vent et, pour se prouver qu’il est encore en vie, chaque matin, il creuse un trou dans la glace et s’y plonge. Au solstice d’hiver cette routine est interrompue par l’arrivée inopinée sur l’île d’Harriet, la femme qu’il a aimée et lâchement abandonnée quarante ans plus tôt. Pour Frédrik qui ne le sait pas encore, c’est sa vie qui vient de recommencer. L’intrigue pleine de rebondissements se déroule le temps de deux solstices d’hiver et d’un magnifique solstice d’été dans un espace compris entre une île, une maison, une forêt, une caravane.
Le récit sobre, intime, émaillé de nombreux souvenirs d’enfance nous apprend à connaître cet homme qui se regarde avec lucidité. Mais petit à petit bousculé par les évènements, il va laisser parler le personnage qui est en lui et révéler sa part de bonté et d’ouverture à l’autre.
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Alain Robbe-Grillet
Dans le labyrinthe
Minuit
220 pages, 17,25 €
9782707300829
Dans une ville sur le point d'être conquise par l'ennemi, un soldat tenant un paquet enveloppé de papier brun essaie de se rendre à un mystérieux rendez-vous. Dans cette ville qu’il ne connaît pas, toutes les rues se ressemblent, toutes les maisons semblent identiques, la neige et la nuit qui viennent rendent les choses encore plus compliquées... Différents personnages essaient de lui venir en aide, mais ne font que le déstabiliser. La mise en abîme soutient ce récit qui bifurque souvent, qui semble s’égarer, revenir en arrière. Les descriptions sont d’une grande précision et elles ont un rôle primordial, celui d’opérer le passage entre les deux espaces, l’extérieur et l’intérieur : on passe du tableau à la soi-disant réalité et vice-versa, de telle manière que peu à peu s’intensifie l’impression que les personnages vivent dans un labyrinthe. Ces personnages n’ont pas de nom ni d’histoire, et l’on n’arrive pas à comprendre ce qui se passe. A la fin du livre néanmoins, une explication rationnelle ressurgit: le personnage principal avait la fièvre et délirait. Tout le récit peut donc être rationnellement interprété comme le délire enfiévré d'un soldat perdu dans la neige.
Nouveau roman ou antiroman, rompant complètement avec les grands romanciers de la littérature français,
Dans le labyrinthe est une invitation à lire de façon différente.
Les Amis de la bibliothèque de Limours

Minh Tran Huy
La double vie d’Anna Song
J’ai lu
222 pages, 6,30 €
9782290027202
Paul Desroches a retrouvé son amour d’enfance, Anna Thi. Il l’aide à renouer avec le piano, instrument auquel elle avait dû renoncer suite à une paralysie des doigts. Le succès espéré ne venant pas, un cancer frappant Anna, Paul lui permet d’enregistrer à domicile des morceaux qu’il édite et qui apportent à Anna, devenue Anna Song, la notoriété tant espérée.
La pianiste meurt et la presse reste dithyrambique. Le roman, c’est la parole de Paul, entrecoupée d’extraits de presse musicale. Ce sont ces mêmes médias qui vont dévoiler ce à quoi le lecteur ne s’attend pas, lecteur qui ne sera jamais au bout de ses surprises.
Une construction originale et maîtrisée, une écriture fluide servent une histoire à tiroirs, riche ’évocations historiques, de références musicales, où les souvenirs d’enfance foisonnent et où l’amour justifie tout.
Les avis ont été partagés, à votre tour de juger ...
Les Amis de la bibliothèque de Limours

Joan Didion
Le Bleu de la nuit
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre Demarty
Grasset
232 pages, 18,30 €
9782246789734
Après la mort de Quintana sa fille adoptive, Joan Didion se livre à nous sans pathos. Les souffrances, comme les souvenirs heureux,
jaillissent sans ordre, l'écriture est sèche, dénudée et elle nous prend à la gorge. Beaucoup de questions, un désir de comprendre, des pensées sur la difficulté à faire son deuil, des phrases
notées par sa fille "Je voudrais juste m'enfouir sous terre". Par petites touches, l'auteur dessine le portrait de son enfant aimée, souvenirs d'enfance, réflexions sur sa fragilité : "Elle était
dépressive, elle était angoissée""Câlin sur la banquise". Mais ce livre est aussi un livre ou le mari écrivain scénariste John Dunne, Joan Didion, sa femme ont été indissociables dans une
auscultation de la vie politique et culturelle américaine et Quintana leur fille a été mêlée à cette vie intellectuelle riche et envoûtante.
C'est aussi un livre lucide qui parle de la difficulté à accepter de vieillir mais l'auteur nous prouve qu'une tristesse infinie peut se métamorphoser en une création. Après "La pensée magique",
à lire absolument.
Marie-Christine Ross

Michael Lonsdale
En chemin avec la beauté
Philippe Rey
160 pages, 29,50 €
9782848762241
L'an dernier, Michael Lonsdale avec L'amour sauvera le monde, nous présentait les textes qui au fil du temps l'ont aidé à vivre et à croire. Ici En chemin avec la beauté, il rassemble les tableaux et quelques photos qui l'accompagnent depuis sa jeunesse. Amoureux de la vie, Michael Lonsdale a longtemps nourri l'espoir que la beauté sauverait le monde. Mais «de la beauté, j'ai ressenti les limites », écrit-il.
Dans son introduction Il nous parle de l’art comme d’un don de Dieu et les artistes sont des prophètes : aller vers l’essentiel, abandonner l’inutile. Pour chacune des quelques soixante œuvres présentées dans l’ouvrage, Michael Lonsdale nous parle de ce qui le touche et l’émeut, de cette rencontre qui élève l’âme. Il nous fait partager son bonheur de les apprécier.
Pour un tableau il nous livre ses sensations, ses questionnements, une anecdote sur l’artiste ou sur les personnages, la commande du tableau, l’interprétation de l’œuvre, éventuellement le lieu où nous pouvons la voir. Il partage aussi ses souvenirs de famille, d’enfance et d’acteur. Il nous confie ses émotions suite à certains films très forts comme la passion de Jeanne d’Arc – 1927 –
Il nous parle de ses rencontres avec les artistes, avec des personnages qui ont marqués le cinéma comme Marguerite Duras, avec ses producteurs, des lectures et des films qui l’ont bouleversé. Cela peut être également une rencontre avec une basilique, un vitrail, une œuvre de Michel-Ange.
Il nous confie ses belles rencontres sur le chemin spirituel.
Nicolle Deroin

Frank Andriat
Jolie librairie dans la lumière
Desclée de Brouwer
146 pages, 15,30 €
9782220063959
Ce roman est magnifique, je n'ai pas pu le relâcher avant la fin. Il y a beaucoup de choses : la vie, la lumière, la solitude, la difficulté de vivre, l'amour, l'amitié, la vie des écrivains, la vie des libraires, l'attente, le chagrin, la souffrance... une magnifique histoire autour d'un livre. La rencontre avec un livre peut changer une vie.
Nicolle Deroin

Patrick Deville
Kampuchéa
Seuil
252 pages, 20 €
9782020992077
Dans Kampuchéa, Patrick Deville nous glisse dans son sac à dos d'aventurier le long du Mékong. Il nous trimbale au procès de Douch chef des khmers rouges, nous plonge dans le centre de torture du bureau S-21, nous montre Henri Mouhot poursuivant un papillon et découvrant le site d'Angkor, nous fait revivre le passé de Malraux en Indochine, nous décrit le Saïgon d'Un Américain bien tranquille de Graham Greene. Du roi Shianouk à Pol Pot, de la ville de Phnom Penh vidée en 24 heures, aux danseuses cambodgiennes délicates d'avant le génocide, l'auteur nous remplit de questions, de réflexions par ellipses et dans des allées et retours de l'histoire du Cambodge.
Marie-Christine Rosse

Olivia Rosenthal
Que font les rennes après Noël ?
Verticales, coll. « Phase 2 »
640 pages, 21 €
9782070130221
Olivia Rosenthal nous décrit comment sont éduqués les animaux en cage et prend une distance pour nous parler de l'éducation des petits humains, de sa propre éducation, de l'évolution de l'espèce humaine ou et animale dans un va et vient original incroyablement attachant, on referme le livre et l'on se dit et si c'était cela grandir ? Etonnant d'originalité par le sujet et par la construction. A lire et relire.
Marie-Christine Rosse

Ian McEwan
Solaire
traduit de l'anglais par France Camus-Pichon
Gallimard, coll. « Du monde entier »
388 pages, 21,50 €
9782070130818
Comme toujours avec cet auteur, on est plongé immédiatement dans l’absurdité du monde moderne et ses contradictions. Ici le personnage Michael Beard est un ingénieur qui a tout pour être respectable, il a eu un Prix Nobel de physique, il est à la pointe de la recherche sur les énergies renouvelables, mais cet homme laid, bedonnant, porté sur la boisson est aussi un coureur. Le livre débute au moment où sa cinquième femme le trompe et demande le divorce. L’histoire se poursuit avec sa sixième femme qui lui fait un enfant dans le dos, et je ne vous dirai pas comment cela finit.
Le portrait de cet homme ridicule mené par son sexe est traité avec un humour d’autant plus efficace que le personnage est un brillant scientifique.
Marie-Christine Rosse

Laurence Cossé
Au bon roman
Gallimard, coll. « Folio »
457 pages, 6,60 €
9782070419982
Un roman policier sur la commercialisation des biens culturels ! Ivan Georg et Francesca ouvrent à Paris une librairie qui ne propose que de la grande littérature, ni nouveautés commerciales ni auteurs de seconde zone, simplement la belle littérature française et étrangère. Comment choisir ces auteurs et comment faire face à la jalousie que provoque ce projet ? Cette librairie est le rêve de tout lecteur et de tout libraire. A lire !
Morgane Masquelier

Audur Ava Olafsdottir
Rosa Candida
traduit de l’islandais par Catherine Eyjolfsson
Zulma
333 pages, 20 €
9782843045219
Ce roman nous vient d’Islande, c’est un souffle qui nous rafraîchit dans l’ambiance calamiteuse de notre pays où l’on ne parle que de sexe payant. A la mort de sa mère, un jeune rouquin : Lobbi quitte son père et son frère. Il emporte dans ses bagages des plans fragiles de Rosa Candida qu’il va planter dans le jardin d’un lointain monastère. Pendant son voyage, il se souvient d’une nuit d’amour d’où est né un bébé qu’il ne connaît qu’en photo. Devenu jardinier du monastère, il y accueille son bébé et se confronte à des situations quotidiennes inattendues. Les tâches qu’il accomplit sont décrites d‘une manière délicate et sensible. Le parcours initiatique de Lobbi n’a rien de mièvre, le charme de ce livre fait écho longtemps après l’avoir lu.
Marie-Christine Rosse